Le sens d’une candidature

par ERIC BOCQUET
Publié le 21 mai 2021 à 15:46 Mise à jour le 31 mai 2021

Dans ce contexte de grand débat légitime sur l’union et le rassemblement des forces de gauche dans le pays, je me suis plongé dans la relecture d’un ouvrage en vue d’un travail que je vais réaliser sur la dette publique au Sénat. Son titre : L’ordre de la dette de Benjamin Lemoine. Cet ouvrage passionnant nous explique comment notre pays est passé d’un financement de l’État par la Banque de France à un financement par les marchés financiers. Il faut mesurer à quel point cette évolution a modifié en profondeur l’économie, la société et donc la politique... Mais nous y reviendrons plus tard... Dès les années 60, cette évolution prenait corps. L’État devenait ainsi un emprunteur comme un autre et devait dès lors montrer patte blanche aux détenteurs des capitaux, qui devenaient les potentiels acheteurs de nos titres de dette. C’est dans les années 80 que ce processus se confirme et s’organise. L’ouvrage nous raconte dans le détail les tournées internationales organisées par le réseau des banques françaises et les hauts fonctionnaires du Trésor, main dans la main. Daniel Lebègue, directeur du Trésor de l’époque, raconte : « Le Trésor français est aujourd’hui dans la position d’une entreprise qui a complètement renouvelé sa gamme de produits et présente actuellement sa nouvelle collection à ses clients potentiels tant étrangers que français. » Ce sont de véritables « road shows » organisés dans toutes les grandes places financières du monde, Londres, New York, Francfort, Tokyo, etc. Un jour avant de se rendre à Londres, les services du Trésor ont reçu une pré-liste des interrogations potentielles des banques et des investisseurs intéressés :

  • Est-ce que le coût du travail est « en train » de croître ?
  • Est-ce que le gouvernement socialiste (nous étions en 87) va augmenter la taxation du capital ? Et puis surgit alors une question ni économique, ni fiscale, voyez plutôt :
  • Que pensez-vous du fait que le Parti communiste gagne assez de soutien pour partager le pouvoir ? Voyez l’inquiétude des marchés financiers. Par cette question, nous voilà en somme désignés « ennemi numéro 1 de la finance ». Ça nous remet en mémoire cette autre formule célèbre d’un certain François Ceyrac, patron du CNPF [1]- l’ancêtre du Medef [2] - de 1972 à 1981, qui disait : « On ne fait pas la même politique en France selon que le PC fait 20% ou 9% des voix. » Le voici, le sens d’une candidature communiste à la Présidentielle.

Notes :

[1Conseil national du patronat français

[2Mouvement des entreprises de France