Mal de mères

par Lydie LYMER
Publié le 13 mai 2022 à 10:48

Le 30 mars dernier, la députée Paula Forteza déposait un projet de loi pour une meilleure prise en charge de la fausse couche spontanée, comprenant un congé spécial de trois jours pour affronter le deuil périnatal. Une durée bien courte face à la perte d’un enfant à jamais inscrite dans l’histoire familiale. Cet embryon de loi exclut d’emblée les femmes qui recourent à l’IVG. La pilule, c’est pas fait pour les chiens, me direz-vous. Mais un tiers des grossesses non désirées surviennent chez des femmes sous contraception. L’Organisation mondiale de la santé reconnaît 8 % d’échec à la pilule. Récemment, la naissance au Vietnam d’un bébé tenant le stérilet de sa mère dans la main a créé le buzz sur internet. Grossesse non prévue ne signifie pas absence de désir d’être mère. 61 % des grossesses non planifiées ont abouti à un avortement entre 2015 et 2019. Les raisons sont murmurées dans l’intimité d’un cabinet médical par la femme dont le mari exige qu’elle avorte. Celle qui attend depuis six mois un rendez-vous pour poser un stérilet. Celle qui vient de signer un CDI inespéré. Celle qui n’a pas les moyens de payer une contraception. En 2019, le taux d’IVG a atteint son niveau le plus élevé depuis 1990. Depuis le 1er janvier 2022, la contraception est prise en charge à 100 % pour les femmes de 18 à 25 ans. Mais ce dispositif ne concerne pas les pilules de 3e et 4e génération, ni les anneaux vaginaux, les patchs contraceptifs et les capes vaginales. Et le recours à l’IVG est plus fréquent après 25 ans, avec un pic vers 28 ans et demi. Pour la première fois en 2019, une corrélation est établie entre difficultés économiques et recours à l’IVG. Les femmes les plus pauvres avortent plus souvent que les plus aisées. Le deuil périnatal concerne aussi ces femmes qui doivent renoncer à leur maternité en affrontant le jugement encore bien présent dans l’opinion publique jusqu’au monde médical. Submergées par la culpabilité, certaines développent des troubles psychiatriques allant de la perte de l’estime de soi à l’anorexie ou la boulimie. Quels législateurs élus en juin auront le courage de porter une loi pour un véritable accompagnement permettant aux femmes de panser leurs blessures et penser leur avenir ?