Alors Manu ça ruisselle ?

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 4 octobre 2019 à 17:10 Mise à jour le 7 octobre 2019

Le premier acte important d’Emmanuel Macron, comme président de la République, fut de supprimer l’impôt sur la fortune (ISF ) en le transformant en partie en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ce geste était un renvoi d’ascenseur pour ceux qui avaient soutenu et financé sa campagne. Il provoqua cependant une réelle défiance. Le président et les siens montèrent alors au créneau pour nous expliquer, premièrement, que cet impôt ne rapportait rien ou presque (chez Macron « rien » vaut 5 milliards d’euros annuels), deuxièmement, qu’il allait générer un flot de bienfaits économiques et financiers, au nom de la « théorie du ruissellement » (théorie fameuse soutenue par Ronald Reagan et Margaret Thatcher). Le concept défendu par les « libéraux » est lumineux : plus les riches sont riches, plus les affaires vont bien, plus les investissements sont importants, plus il y a du travail et plus le peuple voit son niveau de vie grimper.

Deux ans après, où en est-on du « ruissellement » ? Selon un rapport publié cette semaine par France Stratégie, les cuves sont pleines du côté des plus riches. La transformation de l’ISF en IFI a permis de soustraire à l’impôt 230 000 contribuables fortunés, et ceux qui y concourent encore, voient leur contribution fiscale divisée par trois et demi !

Quant aux plus riches des plus riches - ils sont 5 034 - les mesures de Macron leur auront permis d’« économiser » chacun environ 253 800 euros par an. Résultat, la fuite des nantis vers les paradis fiscaux faiblit, la France en faisant désormais partie, avec la flat tax [1]et la fin de l’ISF.

Coté « ruissellement », les commentaires de France Stratégie sont moins enthousiastes. Les privilégiés de ces énormes réductions fiscales auraient dû les investir dans l’économie. Ils ont ignoré l’annonce présidentielle qu’ils savaient non contraignante. Ils les ont notamment transformées en dividendes versés à eux-mêmes ! Un véritable bras d’honneur fait au peuple de France et à l’économie française, en particulier aux PME et TPE qui s’imaginaient être les premières bénéficiaires de la manne !

Au bout de la vraie fausse promesse présidentielle, la majorité des Français n’aura rien vu du ruissellement. Pas la moindre gouttelette ne les aura arrosés. Les seuls euros supplémentaires parvenus jusqu’à leur porte-monnaie, sont le fait de la bagarre conduite par les Gilets jaunes ou de celle des salariés dans leurs entreprises.

En revanche, les cadeaux et déductions fiscales ou sociales qui se sont succédés, ont plombé les comptes sociaux de la Nation. La Sécurité Sociale est dans le rouge pour un montant égal à la recette de l’ex-ISF. Les chômeurs ont vu leurs indemnités baisser et, pour certains, être supprimées afin d’économiser 3,4 milliards d’euros sur trois ans. Dans son projet de loi de finance 2020, le gouvernement prévoit le blocage de la plupart des prestations sociales. Les allocations familiales, les aides personnalisées au logement et les pensions de retraite supérieures à 2 000 euros, ne seront revalorisées que de 0,3%, soit largement moins que l’inflation. La saignée du peuple est proportionnelle aux cadeaux faits aux riches.

« La réforme de l’ISF porte ses fruits » claironne Le Figaro économie dans son édition de mercredi. C’est vrai. Mais les fruits sont encore plus juteux pour les uns et toujours plus amers pour les autres. Décidément le nouveau monde promis par Macron ressemble furieusement à l’ancien. En pire.

La flat tax est une « taxe forfaitaire » ou « impôt à taux unique ». En 2018, le gouvernement a instauré une forme de flat tax avec la mise en œuvre d’un nouveau prélèvement forfaitaire unique sur les revenus de l’épargne : dividendes, assurance-vie, intérêts, plus-values, revenus fonciers... Auparavant, ces revenus se voyaient appliquer des régimes fiscaux différents.

Notes :

[1La flat tax est une « taxe forfaitaire » ou « impôt à taux unique ». En 2018, le gouvernement a instauré une forme de flat tax avec la mise en œuvre d’un nouveau prélèvement forfaitaire unique sur les revenus de l’épargne : dividendes, assurance-vie, intérêts, plus-values, revenus fonciers... Auparavant, ces revenus se voyaient appliquer des régimes fiscaux différents.