Le Président, la guerre et une lucidité à géométrie variable…

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 14 juin 2019 à 12:09

« Le chaos est là », a déclaré le président Macron lors de la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT), réunie à Genève. Et il a ajouté : « Je crois que la crise que nous vivons peut conduire à la guerre (…). J’en suis intimement convaincu. »

Avec l’aggravation des tensions entre les États-Unis et l’Iran, celles qui affectent le Moyen-Orient, l’Afrique ou l’Europe de l’Est, c’est à la montée de l’extrême droite en France, en Europe et dans le monde qu’Emmanuel Macron fait aussi référence pour justifier un propos d’une extrême gravité. À juste titre, le Président voit dans cette progression, confirmée aux élections européennes, une menace directe pour la paix. Les partis et mouvements nationalistes surfent sur l’inquiétude et les frustrations sociales des couches populaires. Elles pointent le sort fait à ces dernières, usant d’une phraséologie socialisante qu’elles couplent avec la question migratoire, agitée tel un épouvantail. La haine s’installe et, avec elle, une machine infernale se met en marche. De l’ennemi intérieur, on passe rapidement à l’ennemi extérieur.

Trump, Orban, Salvini et consorts : des apprentis sorciers

Au nom d’America first (l’Amérique d’abord), c’est ce scénario que réalise en partie Donald Trump, soutenu par l’ultradroite américaine. Ses diatribes contre les migrants, ses attaques économiques permanentes contre la Chine et le Mexique et ses menaces directes de guerre contre l’Iran, le Venezuela ou Cuba mettent le peuple américain dans un état de tension extrême. Elles lui font oublier que ce sont les multinationales américaines elles-mêmes qui ont fait de l’Empire du milieu et de son voisin mexicain leurs ateliers bon marché, au détriment des travailleurs étasuniens. Trump est une menace concrète pour la paix, comme le deviennent insensiblement, en Europe, le Hongrois Orbán, les néofascistes de Salvini au pouvoir en Italie et les ultra-conservateurs polonais.
L’irrésistible ascension des nationalistes donne raison au président de la République. Mais celui-ci fait preuve d’une lucidité à géométrie variable. Elle vaut pour les conséquences de ce phénomène, mais pas pour les causes de la crise qui le génère. Cette crise trouve sa source dans la course infernale aux profits maximums imposée par une minorité de propriétaires et d’actionnaires pour leurs seuls intérêts. Ils précipitent les pays et les travailleurs les uns contre les autres, provoquant une paupérisation des couches populaires, en particulier dans les pays développés. Elle aggrave les inégalités devenues insupportables.

Contre la guerre : la paix sociale

Au nom de la défense et de la compétitivité du capitalisme français, le président Macron participe, de facto, à cette course démoniaque. Il vient d’en remettre une couche par la voix de son Premier ministre, à qui il a notamment donné pour consigne d’annoncer, dans le cadre de l’acte II du quinquennat, le report de l’âge de départ à la retraite à soixante-quatre ans. Cette mesure vise à abaisser le coût du travail et la part consacrée aux retraites. Pour le monde du travail c’est une nouvelle menace. Sachant qu’en France le taux d’emploi des 60-64 ans est inférieur à 30 %, les exclus prématurés du travail subiront de plein fouet la décote, et beaucoup iront pointer au RSA. Seuls les investisseurs et les opérateurs industriels et financiers se frottent les mains. La France est devenue un eldorado pour les profits.
Si Macron veut réellement favoriser la paix, alors il doit changer de camp : quitter celui du profit et de l’exploitation pour celui de l’égalité, de l’équité, de la justice sociale, antidotes radicales contre l’extrême droite et tous les fauteurs de guerre.