Et pourquoi pas un autodafé ?

par Philippe Allienne
Publié le 15 novembre 2019 à 15:58

La photo, en page région de La Voix du Nord, renvoie à quelque chose d’atroce. Sur le sol, des livres aux pages arrachées, déchirées, froissées, piétinées.

Catastrophe naturelle ? Livres envoyés au pilon suite à une erreur d’impression ? Non. Ces livres ont été détruits volontairement. Ils ont subi une intervention inhumaine. Dégueulasse. L’article, qu’accompagne cette photo de notre ami Baziz Chibane, cite une libraire indépendante de Lille : « Notre métier, dit-elle, n’a pas de sens s’il ne permet pas la discussion des contraires et la formation d’esprits libres ».

Baziz Chibane est un photojournaliste bien connu dans la région. On connaît son talent et sa passion pour fixer, afin de le transmettre, l’esprit des mouvements sociaux. L’appareil en bandoulière, il observe, il écoute, il comprend, il recueille l’image de l’écume du temps. Ici, c’est une nature morte qu’il nous délivre. Morte comme l’esprit des imbéciles qui se sont livrés à cette barbarie : détruire un livre. Le contraire de l’intelligence.

Bien, alors d’accord, il s’agissait de la dernière production de François Hollande, ex-président de la République et vrai fossoyeur de notre modèle social qui a su trouver un successeur à poigne pour parfaire son œuvre destructrice elle- même issue de ses prédécesseurs. Contrairement à la coutume étatsunienne voulant qu’un ex-président assure son coûteux train de vie grâce à des conférences dont le produit permettrait de racheter plusieurs fois les bijoux de Kim Kardashian, les ex-présidents français n’ont que leur plume pour becqueter à l’aise.

Le livre de feu Hollande porte un titre à la fois pompeux et prétentieux : Répondre à la crise démocratique. Un livre sans doute d’autant inutile que les réponses annoncées ne peuvent être qu’un leurre. Si ce livre devait les apporter, son auteur serait alors passible d’une condamnation pour recel et escroquerie. À moins bien sûr que cette réponse à la crise démocratique soit la dictature. Mais nous nous égarons.

Non, vraiment. Il fallait manifester contre l’auteur, il fallait le chahuter, il fallait à la fin le contredire. C’est une erreur d’empêcher le débat quand il est encore possible. C’est une irresponsabilité, une faute, de détruire quelques centaines d’exemplaires d’un livre en croyant ainsi combattre son auteur. C’est dans le débat, dans la rue, dans les urnes qu’il faut défendre nos droits, notre démocratie, notre égalité, notre liberté, notre fraternité.

Détruire un livre, quel qu’il soit, pour empêcher un débat, quel qu’il soit, est un acte fort qui nous ramène aux pires souvenirs de notre histoire. Que les activistes qui s’en sont pris aux pauvres feuilles de François Hollande se souviennent de ce pompier pyromane qui croyait juste bien faire son boulot. Peut-être n’ont-il pas lu Bradbury.