Gazez, gazez pour dégager

par Philippe Allienne
Publié le 5 juillet 2019 à 09:31

Nous ne sommes pas à une polémique près. La dispersion de militants écologistes à coups de jets de gaz lacrymogène, le 1er juillet sur le pont Sully à Paris, en apporte une de plus.

Nous ne sommes pas à une polémique près. La dispersion de militants écologistes à coups de jets de gaz lacrymogène, le 1er juillet sur le pont Sully à Paris, en apporte une de plus. Les images, filmées par un journaliste indépendant, sont choquantes. On distingue nettement les policiers asperger calmement les manifestants comme s’ils voulaient tuer des moustiques à coups d’insecticide pressurisé. La police a le pulvérisateur joyeux, l’écolo a la larme à l’œil et la toux puissante.

Certes, disent les défenseurs des services d’ordre, la police avait affaire à des activistes appelant à la désobéissance civile et qui agissaient dans le cadre d’une manifestation non autorisée. Cela n’est pas bien. Il lui fallait donc déloger les gêneurs pour permettre aux promeneurs de passer sur le pont. C’est comme la police à vélo qui empêche les troubadours de chanter dans les rues piétonnes lilloises parce que, dit-elle, « À Lille tout est réglementé. »

En plus, les images qui nous sont données à voir durent à peine une minute, oubliant les interventions précédentes et sans succès pour faire cesser les manifestants qui, les coquins, s’agrippent les uns aux autres pour faire corps pacifiquement. Côté représentants de la police, on signale que les choses se sont passées correctement, que l’usage du spray lacrymogène est tout à fait légal et permis et -surtout- qu’il y aurait pu y avoir une intervention physique autrement plus musclée. Certes.

On comprend alors difficilement la gêne de la porte-parole du gouvernement et la demande d’un rapport adressée au préfet par le ministre de l’Intérieur. On ne comprend pas davantage pourquoi, si tout cela était normal, la police des polices (IGPN) a été saisie.

Le code pénal précise (article 431-3) que « Tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public [...] peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet. »

Les sommations avaient semble-t-il été faites. Quid de l’utilisation des gaz lacrymogènes pourtant nuisibles à la santé ? Ces gaz sont aujourd’hui « l’une des armes les plus utilisées dans la gestion du maintien de l’ordre en France » observait le Défenseur des droits qui s’exprimait, en 2017, sur la déontologie et le maintien de l’ordre. On peut aussi se questionner sur le sens de la désobéissance civile (et la capitaine du navire humanitaire Carola Rackete n’a rien fait d’autre pour sauver des vies humaines) et sur l’action du Pont Sully. C’est que, précisément, ici comme ailleurs -la crise des Gilets jaunes l’a fort bien montré- les pouvoirs ne supportent plus la contestation.

Alors, comme on l’a vu durant les manifestations contre la loi Travail de Myriam El Khomri puis dans les diverses manifestations et autres mouvements revendicatifs qui n’ont cessé depuis, la préférence des dirigeants va plutôt à la force qu’au dialogue. C’est ainsi que la violence policière, fût-elle autorisée, est banalisée. Si l’on voulait habituer cette partie du peuple qui refuse les lois dictées par le libéralisme à se faire matraquer, à être réprimé, on ne s’y prendrait pas autrement.