Pourquoi Zemmour ?

par Philippe Allienne
Publié le 4 octobre 2019 à 16:54

« Nauséabonds  ». Voilà le terme employé par le Premier ministre pour qualifier les propos d’Éric Zemmour lors de la « Convention de la droite » organisée le 28 septembre à Paris par les amis de la très fasciste Marion Maréchal Le Pen. C’est bien le moins que pouvait dire le chef du gouvernement, d’autant qu’une de ses ministres est destinatrice, parce qu’elle est noire, des insultes racistes du trublion d’extrême droite.

Le « journaliste-écrivain » venait déjà d’être condamné, après un pourvoi rejeté en cassation, pour provocation à la haine religieuse. Il avait été poursuivi pour des propos exhortant les musulmans à choisir entre l’islam et la France et dénonçant, notamment, une « invasion » de la France par les musulmans. La Cour d’appel avait estimé que le polémiste visait ainsi l’ensemble des musulmans vivant dans ce pays et encourageait ainsi une « discrimination ».

À l’époque, le 6 septembre 2016, Éric Zemmour s’était exprimé dans l’émission C à vous sur France 5. On sait qu’il a aussi longtemps été le chouchou de France 2, dans l’émission On n’est pas couché. Le service public se montre rarement pingre dès lors qu’il s’agit de tendre le micro à celui qui se dit enfant de la banlieue et qui a su utiliser les médias, tant publics que privés, pour diffuser la haine qu’il nourrit et développe depuis de longues années.

Cette fois, alors qu’il n’a rien demandé (on l’espère), c’est la chaîne LCI qui a diffusé en direct et intégralement le discours de l’intéressé. Du jamais vu. Il y a de quoi réveiller les ardeurs et les ambitions des nostalgiques d’Hitler, de Mussolini et de Franco. Si le dernier cité a pu profiter des tubes cathodiques, les deux autres devaient se contenter des brasseries enfumées et autres tréteaux.

Car par-delà le réel problème que pose le discours de Zemmour, c’est bien l’audience qui lui est accordée. C’est au point que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a reçu 650 signalements dans les deux jours qui ont suivi la diffusion de la diatribe. La Société des journalistes (SDJ) du Figaro, le quotidien où Zemmour est salarié, crie son indignation et dénonce « la position, fort commode, de rentier de la polémique qui est la sienne ». Elle demande à la direction de la rédaction de « mettre un terme à cette situation ambiguë ».

N’en déplaise à Éric Zemmour, il ne sera jamais une grande plume. Il ne sera jamais ni Maurras, ni Rebatet, ni Brasillach, ni Céline, ni Drieu La Rochelle. Qu’il tente de rivaliser avec Renaud Camus ou Alain Soral n’a rien d’étonnant pour un personnage frustré qui semble autant perturbé par l’étranger. Ce qui apparaît certain, c’est qu’il se pose en intello d’une extrême droite qui se sent pousser des ailes et qui se sent de plus en plus à l’aise dans les médias. Que le vieux Le Pen sorte un livre pour à nouveau cracher sa bile et au passage discréditer sa fille, et le voilà derechef invité sur les ondes du service public. Il paraît que l’on appelle cela l’objectivité et l’équilibre de l’information.

C’est ce même sens, certainement, de l’objectivité et cette même recherche de l’équilibre qui conduisent aujourd’hui à libérer les discours racistes et à généraliser l’idée que l’ouvrier déteste l’immigré. Voilà bien un faux concept qui sied parfaitement les intérêts du libéralisme qui a pris les rênes du pays. Zemmour n’a pas besoin de talent. Les jours qui s’étalent devant lui sont radieux.