Que cache le mouvement social ?

par Philippe Allienne
Publié le 14 décembre 2018 à 20:46 Mise à jour le 1er janvier 2019

Le président de la République n’a décidément rien compris. Plus précisément, il refuse d’entendre la colère sociale et la crise démocratique qui émanent du pays et explosent depuis un mois.

Lors de son intervention télévisée, lundi 10 décembre, Emmanuel Macron a feint d’admettre quelques erreurs comportementales et a jeté quelques miettes à un peuple qu’il méconnaît. Les mesurettes qu’il accorde seront de toute façon au frais du contribuable lui-même. Sur le fond, il ne bouge pas d’un pouce, sauf sur un point que le gouvernement ne manquera sans doute pas de développer : l’immigration. Voilà l’identité nationale qui pointe son retour.

Que lui fallait-il entendre dans le message des Gilets jaunes ? D’abord que, pour disparate qu’il soit, ce mouvement est seulement en cours de constitution et semble bien avoir l’intention de poursuivre son chemin. Le « gilet jaune » n’est pas un effet de mode. Ceux qui, au sein de cette mobilisation, ne cachent pas leur sympathie pour l’extrême droite, leur xénophobie et leurs égoïsmes étriqués, ne sauraient cacher la lame de fond qui se profile.

Parmi les témoignages recueillis ces derniers jours, notons par exemple cet ex-collaborateur d’une grande multinationale. « J’ai démissionné parce que j’en avais marre de devoir choisir entre mes exigences professionnelles et ma conscience », dit-il. Pour lui comme pour de nombreux autres adeptes du gilet jaune, il est grandement temps de réagir face à la crise qui nous ronge. Et d’abord, il faut se sortir d’une triple dette qui pourrait bien nous être fatale.

Le dernier rapport publié par le Fonds monétaire international (FMI) révèle que la dette mondiale atteint 165000 milliards de dollars (165 trillions), soit 225 % du produit intérieur brut. Elle aurait même dépassé les 250 trillions de dollars, rendant une nouvelle crise financière inévitable.

Dignité, égalité, fraternité

La seconde dette est sociale. En une cinquantaine d’années, la population mondiale a plus que doublé, atteignant 7,7 milliards de personnes. 1 % de la population détenait en 2017 plus de la moitié de la richesse mondiale. Selon OXFAM, 82 % des richesses crées leur reviennent. En revanche 70 % de la population mondiale en âge de travailler, soit 3,5 milliards d’adultes, appartiennent à la classe des travailleurs pauvres.

Quant aux dépenses mondiales consacrées à l’armement et à l’armée, elles atteignent 1,7 trillion de dollars (1700 milliards).

Troisième dette enfin, la dette écologique qui, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), voit la terre perdre chaque minute l’équivalent de vingt-sept terrains de football en arbres. Bientôt (on parle de 2025), on verra 1,8 milliard de personnes vivre dans des pays ou des régions où il n’y aura presque plus d’eau. L’Organisation des Nations unies (ONU) indique que deux tiers de la population mondiale pourraient vivre dans des conditions de stress hydrique. Ne parlons pas de l’accroissement des déchets et de la production de plastique qui menace, par exemple, la pêche.

Voilà quelques idées, quelques indications, qui émergent des rangs des Gilets jaunes. Voilà qui devrait remettre quelques têtes en place. Ce que veut ce mouvement, hors les extrémistes tendance facho, c’est appeler à de meilleures conditions de vie, à la dignité pour tous, à l’égalité, à la fraternité. Cela revient à tourner le dos à la course à la compétition, à l’accumulation et à la consommation à outrance.

A travers ce prisme, on peut mieux comprendre la colère qui gronde et les raisons qui ont mené à cette situation. A cela, ni M. Macron, ni les autres gouvernements et pouvoirs d’argent ne peuvent être sensibles.