Bolsonaro, un dernier facho avant la fin du monde

par JEROME LEROY
Publié le 9 novembre 2018 à 23:41 Mise à jour le 1er janvier 2019

Fait n°1

Selon le WWF (le Fonds mondial pour la nature), les populations de vertébrés sauvages ont chuté de 60 % au niveau mondial entre 1970 et 2014. La dégringolade est encore plus marquée dans les zones tropicales.

Fait n°2

L’élection de Jaïr Bolsonaro à la tête du Brésil achève, si besoin était, de prouver à quel point la démocratie représentative à l’époque du capitalisme assisté par les réseaux sociaux et les fake news est un régime bien pratique : il évite aux lobbys patronaux ultralibéraux accompagnés par des militaires d’avoir recours aux blindés, comme au Chili en 1973, pour mener leur politique. Plus besoin de coup d’Etat : intoxiquer une population par la propagande est suffisant. La « démocratie » version années 2010, ce sont les pigeons qui votent sans s’en rendre compte pour l’ouverture de la chasse.

Fait n°3

Que les Brésiliens jouent à la roulette russe avec leurs libertés, c’est leur droit. Après tout, se laisser convaincre par plus riche que soi que Bolsonaro apportera la sécurité, ça ne concerne que celui qui le fait. Tout le monde peut choisir de débrancher son cerveau et de perdre sa conscience de classe. On remarquera cependant que le Nordeste et l’Etat de Bahia, plein de vrais pauvres, très pauvres, ont, eux au moins, compris qu’ils allaient prendre cher. Il suffit de regarder une carte pour voir qu’ils ont voté Haddad à 70% et plus. Ils ont même compris que le PT (Partido dos Trabalhadores), si l’on oublie le storytelling des réseaux sociaux ultraréactionnaires, des milieux patronaux et des paranoïaques du métissage, très présents chez nous aussi, que le Parti des travailleurs, donc, les a sortis de la misère. Et, pour ce faire, dans un pays avec des dizaines de partis à l’assemblée nationale, il a dû arroser des micro-alliés pour parvenir à mener à bien des projets éducatifs et sociaux. Le PT a corrompu, beaucoup plus qu’il n’a été corrompu, et pour la bonne cause. On ne peut pas en dire autant de Temer qui a putsché parlementairement Dilma Rousseff – « la durona » (la dure), torturée en son temps par les grandes admirateurs de Bolsonaro – et a mis en prison Lula sans preuve d’enrichissement personnel.

Fait n°4

Il est à mettre en rapport avec le fait n°1 : Bolsonaro veut fondre le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement. Bref, il veut laisser ses copains de l’agrobizness en finir avec l’Amazonie, le poumon vert de l’humanité que Lula et Dilma Rousseff avaient réussi à préserver (tout au moins ils s’étaient efforcés de limiter la casse écologique). Si je relie le fait n°4 au fait n°1, c’est là le vrai drame, à portée universelle, de l’élection de l’aphasique galonné. On sait tous (tout en ne voulant pas le savoir, dans une démarche typique du déni des individus atteints d’une maladie incurable), que l’effondrement écologique est imminent. Tous, à part une ultra minorité climatosceptique de ravis de la crèche marchande qui « n’y croient pas », soit parce qu’ils sont vieux, sans enfants et n’ont plus rien à faire du monde après eux, soit parce qu’ils sont complotistes et qu’ils confondent le GIEC et les Illuminati. Le drame de l’élection de Bolsonaro, ce n’est pas seulement qu’il soit facho, c’est qu’il va accélérer encore, en détruisant l’Amazonie, notre arrivée dans l’apocalypse. A ce titre, il est bien de notre temps, celui de la déraison définitive. Ce que remarquait déjà Guy Debord dans ses Commentaires de 1988 : « La pollution des océans et la destruction des forêts équatoriales menacent le renouvellement de l’oxygène de la Terre. Le Spectacle conclut seulement que c’est sans importance. Il ne veut discuter que sur les dates et les doses. Et en ceci seulement, il parvient à rassurer. La principale menace qui pèse sur le vivant sauvage est la dégradation et la perte des habitats de ces animaux. Suivent la surexploitation, les espèces invasives, la pollution ou encore le réchauffement climatique. Il est assurément dommage que la société humaine rencontre de si brûlants problèmes au moment où il est devenu matériellement impossible de faire entendre la moindre objection au discours marchand. »