Comment transformer la France en république bananière en cinq leçons.

par JEROME LEROY
Publié le 10 mai 2019 à 11:44

1ère leçon : Choisir son opposition

Il faut d’abord que des projets politiques opposés aux vôtres, des projets politiques sérieux, émancipateurs comme celui du PCF pour les Européennes, ne soient pas trop visibles. On désignera donc comme seul adversaire celui qui est un vrai repoussoir, par exemple le Rassemblement national. Les sondages aideront. Vous inventerez un faux clivage entre progressistes et populistes. Par exemple, résumez les Européennes àun affrontement entre la République en Marche et Marine Le Pen.

2ème leçon  : Vider les mots de leur substance

Donc, vous vous présenterez comme progressiste et moderne. Seulement le progressisme et la modernitéàla sauce Macron, c’est juste un autre nom pour le néo-libéralisme le plus acharné. Le progressisme, c’est casser le code du travail, les retraites, la SNCF, la sécu, les services publics de proximité, c’est faire disparaître le salariéau profit de l’auto-entrepreneur. Bref, quand vous entendez Macron parler de progressisme, pensez plutôt àDickens et Zola qu’àMarx et Engels. Pourtant, on était prévenu de cette inversion sémantique. Le livre du candidat Macron s’appelait Révolution. Il faut croire que le préfixe « contre » comme dans « Contre Révolution » avait sautéà l’impression. Cela faisait déjàquelques années avant Macron que les mots voulaient dire le contraire, comme « réforme » qui signifie « régression » ou « plan de sauvegarde de l’emploi » pour « licenciements massifs ». Mais cela est maintenant érigéen système, comme dans le 1984 d’Orwell avec ses slogans : « La liberté, c’est l’esclavage » et « La paix, c’est la guerre. »

3ème leçon  : Verser de l’huile sur le feu.

Vous êtes confrontés, avec les Gilets jaunes, àun mouvement social d’une force et d’une durée peu communes. Au bout d’un Grand Débat qui a surtout été pour Macron l’occasion de se payer une campagne électorale gratuite, faites une conférence de presse pour dire que vous avez entendu les Français. Et ressortez de votre chapeau de magicien des thèmes qui ne sont jamais apparus dans les revendications des Gilets jaunes. Par exemple, les thématiques identitaires, l’Islam, l’immigration... En gros, répondez àceux qui veulent plus de pouvoir d’achat qu’on va s’occuper des étrangers qui viennent voler le pain des Français. En plus (voir leçon 1), vous reprenez des thèmes de l’adversaire que vous avez vous même désigné. On appelle ça la triangulation. Faites attention cependant. Ça a mal tournépour ceux qui ont voulu jouer avec les idées de l’extrême droite. Que ce soit Sarkozy ou Hollande (on se rappellera l’embrouillamini autour de la déchéance de la nationalité), en jouant à ce petit jeu, ils ont fait monter encore plus le FN.

4ème leçon  : Montrer vos muscles

Prenez un ministre de l’Intérieur bien docile. Nommez comme préfet de police un type connu pour son absence d’état d’âme dans la répression. Définissez une doctrine de maintien de l’ordre assez simple : on fonce dans le tas, on fait des blessés graves par centaines, on terrorise. Donnez-vous un cadre légal votéàla hâte par les godillots de l’Assemblée qui interdisent les manifestations ou permettent les arrestations préventives. Laissez la bride sur le cou à vos flics au point de gazer le cortège de la CGT un 1er mai. A la longue, même si pour l’instant ça n’est pas très concluant, vous finirez par faire rentrer tout le monde à la maison parce que tout le monde aura peur de prendre une balle de défense ou une GLI-F4, même sans gilet jaune sur les épaules.

5ème leçon : Faire feu de tout bois ( de charpente)

Dans la mesure oùles médias sont àvous, ne reculez devant rien. Votre candidate aux Européennes a un passéd’extrême-droite ? Pas grave, comme ça, elle sait de quoi elle parle. Un monument brûle ? Profitez-en pour montrer comme les riches sont généreux. Des manifestants nassés et tabassés se réfugient dans un hôpital ? Faites passer ça pour une attaque. Et si le mensonge est trop gros, pas grave, il suffit juste d’en trouver un meilleur la prochaine fois...

Bonus : Et après, donnez des leçons de morale au Venezuela. Et faites-le sans rire, sinon ça se verrait quand même un que c’est vous, le général Alcazar...