Écologie ? Oui mais laquelle ?

par JEROME LEROY
Publié le 4 avril 2019 à 23:23

C’est Le Figaro, célèbre journal écolo-bolchévique, qui annonçait dans son édition du 12 mars que la pollution de l’air faisait 790 000 morts par an en Europe dont 67 000 en France, estimation « plus pessimiste que jamais ».

Faut-il que la situation soit grave pour qu’un journal de droite ne puisse la passer sous silence. C’est en effet essentiellement à droite que se recrutent ce qu’il reste d’écolo-sceptiques qui ont tendance à raisonner d’une manière bien simple : « Après moi, le déluge ! » On sous-estime toujours, dans l’appréciation de l’effondrement écologique qui menace, l’âge et la condition sociale. Finalement, quand on est vieux et riche et de droite, on se dit que ça pourra bien durer encore un peu. On se sent davantage menacé par un taux de cholestérol que par celui des particules fines dans l’air. Et puis, est-ce que ça n’a pas toujours existé, la pollution ? Tenez, même Rome connaissait le phénomène, lié pour l’essentiel au chauffage à bois. Sénèque l’écrivait déjà dans ses Lettres à Lucilius : « Dès que j’aurai laissé derrière moi l’oppressant air de la ville et la puanteur des fumantes cheminées qui, une fois leurs feux allumés, vomissent toutes les pestilentes fumées et suies qu’elles contiennent, je me sentirai tout à fait un autre homme. »

Ce que Le Figaro qualifie lui aujourd’hui de « sombre tableau  », Jules Verne, que l’on prend trop souvent pour un technolâtre prométhéen, en avait tracé les contours dans Les 500 millions de la Begum : il imagine deux villes nouvelles aux USA, l’une construite par des Allemands, et résumée à une sombre aciérie productiviste et l’autre, par des Français, Franceville. Au-delà de l’éternelle rivalité franco-allemande, Jules Verne montre qu’on meurt comme des mouches côté allemand à cause de la pollution : « Au pied de la muraille humide, gisait, immobile et déjà froid, le pauvre petit Carl. Ses lèvres bleues, sa face injectée, son pouls muet, disaient, avec son attitude, ce qui s’était passé. Il avait voulu ramasser quelque chose à terre, il s’était baissé et avait été littéralement noyé dans le gaz acide carbonique. » En revanche, du côté de Franceville, c’est le développement durable qui est à l’ordre du jour appuyé sur un souci constant de la santé publique : « Nettoyer, nettoyer sans cesse, détruire et annuler aussitôt qu’ils sont formés les miasmes qui émanent constamment d’une agglomération humaine, telle est l’oeuvre principale du gouvernement central. (…) Chaque citoyen reçoit à son arrivée une petite brochure (...) Il y voit que les neuf dixièmes des maladies sont dues à la contagion transmise par l’air ou les aliments. »

Finalement, alors qu’on apprend que même les établissements scolaires en zone urbaine, les gares, les métros sont pollués bien au-delà des normes sanitaires admises, Jules Verne posait déjà, sans le savoir, un constat que Le Figaro se garde bien d’écrire noir sur blanc : l’écologie est incompatible avec l’économie de marché. On ne peut donc être écologiste que si on appartient à une gauche de rupture avec le capitalisme. Le problème, en France, c’est que Yannick Jadot, qui conduit la liste EELV, ne semble pas prêt au Grand Soir. C’est dans un entretien avec Le Figaro, encore lui, qu’il s’est posé en défenseur d’une écologie « ni de gauche, ni de droite  ». Le problème, et Macron est là pour nous le prouver tous les jours, c’est qu’être ni de gauche, ni de droite, c’est juste une autre façon de dire qu’on est de droite.

Clémenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser aux militaires. On pourrait pour le paraphraser, dire que l’écologie est trop sérieuse pour être laissée aux écologistes seuls, surtout ceux comme Pascal Canfin qui se retrouve n°2 sur la liste de LREM. Alors que faire ? Par exemple, on pourrait aller regarder du côté du programme de Ian Brossat qui dit des choses bien intéressantes sur la question… Mais on va encore dire que c’est parce que je suis communiste…

l Dernier livre publié : La petite gauloise (Manufacture de livres)