En attendant Alexandria

par JEROME LEROY
Publié le 25 janvier 2019 à 12:12

Dès qu’Alexandria Ocasio-Cortez sera élue présidente des Etats-Unis, je me ferai naturaliser Américain. Si on m’avait dit ça. Que je finirais ma vie aux USA, à écrire des poèmes en regardant la mer. Je pense choisir l’Oregon. Il y a des vignobles qui commencent à faire de bons vins naturels, à ce qu’on m’a dit.

Alexandria Ocasio-Cortez n’a pas trente ans et elle est vraiment de gauche, elle. Ça nous change. Que ce soit dans les Etats-Unis du Shut Down trumpiste ou dans la France de Macron, le nouveau télé-évangéliste des maires de France. Oui, Alexandria, benjamine du Congrès, est vraiment, mais alors vraiment de gauche. La preuve, les Républicains lui reprochent d’avoir dansé sur les toits de Boston quand elle était étudiante, les Démocrates « centristes » d’être une quasi-communiste et les médias d’être trop « radicale ».

« J’entends dire que le parti républicain pense que les femmes qui dansent sont scandaleuses. Attendez qu’il découvre que les femmes parlementaires dansent aussi ! », a-t-elle déclaré. Et en plus, AOC, comme on la sur-nomme, a le sens de la formule. C’est Bernie Sanders en jeune, et en sexy. D’ailleurs, elle a fait sa campagne lors de la dernière présidentielle. Bernie, le seul qui aurait pu battre Trump, il a quand même soixante-dix-sept piges. Il a été poignardé dans le dos par Hillary Clinton et sa ligne macronienne, et on a vu le résultat.

Alexandria Ocasio-Cortes siège désormais, après sa victoire en novembre, à la Chambre des représentants, comme élue de la 14ème circonscription de New-York, entre Bronx et Queens. Elle veut imposer à 70 % les revenus supérieurs à dix millions de dollars annuels, pour finan-cer un New Deal écologique. Quand on n’a pas trente ans, on n’a pas envie de voir l’humanité finir avec soi. Ne jamais sous-estimer le facteur de l’âge chez les climatosceptiques, ce côté « Après mois le déluge ! » entre un steak T-bone tous les jours et un plein de trois cents litres pour le 4 x 4 Hummer tous les dix kilo-mètres.

Un prix Nobel d’économie, Paul Krugman, trouve l’idée d’Alexandria tout à fait jouable alors qu’on a fait des malaises cardiaques en série du côté de Wall Street quand elle a osé causer de ça dans le poste. Krugman et elle ont rappelé que les très riches étaient encore plus imposés que ça sous Roosevelt. Elle veut aussi la gratuité de l’enseignement supérieur et de la santé qui seraient financés par une fiscalité adéquate ainsi que la destitution du Père Ubu péroxydé, l’homme qui paie ses fonctionnaires avec des McDo. Bref, pour la droite et la fausse gauche, Alexandria est le diable : jeune, femme, belle, latina, rouge.

Alors, oui, ce serait bien qu’elle soit un jour présidente des Etats-Unis. Parce que ça nous fera un endroit où aller si Macron réussit son coup, c’est-à-dire de détruire tout choix possible entre lui et l’extrême droite et que la France se trans-forme en un petit Taïwan hargneux et raciste, ultra-libéral, pollué, ultra-sécu-ritaire avec des auto-entrepreneurs qui bosseront jusqu’à soixante-quinze ans pendant qu’on dégagera les derniers ronds-points à la mitrailleuse lourde parce qu’on aurait, d’après la DGSI, repéré un soralo-dieudonniste dysortho-graphique vers Montargis.

Avec Alexandria Ocasio-Cortez, par une ruse de l’histoire, on retrouvera outre-Atlantique tout ce qu’on aura perdu dans l’Union européenne : un Etat-provi-dence, la redistribution équitable des richesses, un environnement protégé par une vraie politique écologique et juste. J’aurais bien choisi le Brésil comme Bernanos pour m’exiler mais là, ça ne va pas être possible, avec le Trump à la mode samba et escadron de la mort qui vient de prendre le pouvoir et fait la chasse aux Indiens d’Amazonie tout en rêvant d’une école où les garçons seront habillés en bleu et les filles en rose. Je suis sûr qu’Alexandria Ocasio-Cortez Présidente sera plus cool avec les demandeurs d’asile que l’Europe des populismes d’extrême droite ou d’extrême libéralisme. Et je suis sûr aussi qu’elle acceptera même ceux, comme moi, qui parlent anglais comme une vache espagnole.

Dernier livre publié : La petite gauloise (Manufacture de livres).