La droite, partout, tout le temps ?

par JEROME LEROY
Publié le 21 juin 2019 à 11:22

Finalement, tout cela est peut- être une question de perception subjective de la réalité mais j’ai tout de même l’impression de vivre dans une société de plus en plus de droite.

Des dizaines de petites et grandes infos viennent renforcer cette vilaine sensation. Je ne parle pas seulement sur le plan électoral. Finalement, les élections européennes ont donné le résultat escompté par le pouvoir : le tête-à-tête a abouti à un quasi match nul entre le macronisme et le lepénisme, ou si vous préférez entre la droite et l’extrême droite. Parce que ne nous y trompons pas, même si les mots ont perdu leur sens.

Non, le macronisme n’est pas quelque chose de nouveau, ce n’est même pas un centrisme gentillet, c’est une droite dure qui pratique la stratégie du choc dans les services publics, dans les mouvements sociaux, avec les anciens partis, pour imposer sa transformation néolibérale de la France au service d’un syndicat de grands patrons qui ont tout des « barons voleurs » comme on nommait les seigneurs de l’économie qui bâtirent leur fortune dans les États-Unis du XIXe siècle au mépris de la loi et par un usage systématique de la violence et de la corruption.

Et en face, le RN n’a rien d’un parti du « bas », des pauvres gens qui seraient victimes des élites. C’est sans doute d’ailleurs l’erreur de Mélenchon d’avoir adopté cette rhétorique et d’avoir ainsi durablement affaibli toute la gauche en brouillant ses repères, repères que seuls le PCF et Ian Brossat ont maintenus pendant la dernière campagne. Oui, un monde de droite comme je ne l’ai jamais connu, moi qui suis né en 1964. Pas un jour où je n’entende une info, un commentaire qui aurait indigné jadis une grande partie de la population et ne provoque aujourd’hui plus guère de réactions.

Dans le désordre, on apprend qu’une mesure de bon sens comme la limitation de vitesse à 80 km/h va être « assouplie » et que le retour à 90 km/h sera laissé à la discrétion des élus. Bref, le gouvernement, si fier à bras par ailleurs, recule alors qu’on sait que cela va mécaniquement entraîner des morts en plus. C’est du poujadisme pur, une façon de se faire bien voir d’une minorité de beaufs motorisés qui confondent liberté individuelle et permis de tuer.

ON NE VEUT PAS « CHOQUER » UNE OPINION MARQUÉE PAR LES ATTENTATS. DONC, ON FAIT DANS LA DÉMAGOGIE

Dans le désordre, encore, on voit le gouvernement tortiller du croupion à propos des djihadistes français qui sont condamnés à mort en Irak. Il me semblait que la France était opposée à la peine de mort chez elle mais aussi partout dans le monde. Les djihadistes français sont français, que ça plaise ou non. Ce sont des criminels abjects mais les exécuter ou laisser les faire exécuter relève de la lâcheté. Là encore, on ne veut pas « choquer » une opinion marquée par les attentats. Donc, on fait dans la démagogie.

On hésite même à rapatrier les enfants de ces djihadistes. Pourquoi suis-je sûr qu’il y a encore vingt ans, même sous un gouvernement de droite, on les aurait ramenés chez nous sans faire tout un barouf, au nom de la protection de l’enfance et de la simple humanité ?

Dans le désordre, toujours : je n’ai pas le souvenir d’émissions de « débat » aussi vulgaires et violentes où des soi-disant polémistes ultra-réactionnaires déversent à longueur de semaine la même bêtise à front de taureau sous prétexte d’être « politiquement incorrect » , ce qui aujourd’hui veut dire s’en prendre aux fonctionnaires, aux cheminots, aux bobos, aux écolos, aux féministes.

Je pense par exemple à Éric Brunet, le sinistre imbécile qui officie sur BFM, celui-là qui a aimé les Gilets jaunes pendant trois semaines, jusqu’à ce qu’il s’aperçoive, cette tête de mort, que les GJ n’étaient pas obsédés comme lui par l’immigration mais par leur pouvoir d’achat. Alors là, il a eu cette phrase historique : « Je ne reconnais plus MES Gilets jaunes » . Eh oui, mon bonhomme, il ne fallait pas prendre tes désirs de petit facho à l’abri dans son studio de télé pour la réalité des ronds-points.

Ce ne sont là que quelques symptômes parmi beaucoup d’autres, comme ce chroniqueur sportif qui a accusé le PCF d’avoir collaboré avec les nazis devant Ian Brossat et qui vient d’être enfin viré de l’antenne après s’être moqué du physique d’une footballeuse brésilienne qui accuse Neymar de viol.

Mais ces symptômes sont ceux d’une société dont le glissement est général. Le RN perd les élections, mais il a essaimé dans tout le paysage sous d’autres formes. À nous de prendre garde, à nous de ne rien laisser passer car, on le sait, le diable se niche dans les détails.