Janus Macron

par JEROME LEROY
Publié le 6 septembre 2019 à 11:02

On a lu un peu partout que le G7 de Biarritz avait été un succès pour Macron. Il est vrai qu’il s’est plutôt pas mal débrouillé, à première vue. A première vue seulement. En face de lui, il avait deux hommes qui sont, chacun à leur manière, des cauchemars ambulants. D’abord, un fils à papa inculte, faux self-made man, caractériel, instable, raciste et belliqueux, pratiquement incontrôlable : on a nommé Donald Trump.

Ensuite un autre fils à papa, diplômé d’Eton et d’Oxford, qui connaît l’Iliade sur le bout des doigts mais se comporte de manière totalement antidémocratique pour imposer un « hard Brexit » alors qu’il a été élu par quelques dizaines de milliers de militants conservateurs : vous aurez reconnu Boris Johnson.

En plus, Macron et son épouse se sont faits insulter par une brute galonnée d’extrême droite, Bolsonaro, le président du Brésil, en train de laisser faire, avec les incendies d’Amazonie, un des plus grands crimes écologiques. Face à ça, il a manœuvré habilement, il a isolé Bolsonaro, ce général Alcazar, a mis le Mercosur entre parenthèses, il a circonvenu Trump sur l’Iran ou la guerre commerciale avec la Chine et il n’a rien lâché à Boris Johnson.

Il avait quelque chose de presque rassurant face à ces leaders populistes qui dirigent la première puissance du monde ou de grandes puissances régionales qui nous rappellent que ce qu’on nomme le souverainisme, aujourd’hui, ce n’est pas aimer son pays, c’est favoriser l’enrichissement et les intérêts des hyper-bourgeoisies régionales.

Le Brexit, la déforestation de l’Amazonie, ou même le protectionnisme de Trump, ce sont d’abord des moyens de transformer leur pays en paradis pour la fraction la plus ultralibérale des capitalistes.

Très bien. Mais tout cela relève tout de même de l’illusion d’optique. Le G7, on le sait, n’a jamais été l’endroit où l’on a favorisé le bienêtre des peuples ou une meilleure redistribution des richesses. D’ailleurs, il s’est déroulé dans une ville en état de siège avec un déploiement de forces hallucinant qui a découragé les contremanifestants dont un bon nombre avaient été arrêtés préventivement.

Ensuite, face à de telles caricatures dangereuses, Macron n’a pas eu trop de mal à passer pour une figure rassurante, calme et compétente. C’est oublier un peu vite qu’il y a deux Macron ou plutôt un Macron à deux faces, comme le dieu Janus dans l’Antiquité avec d’un côté un visage souriant et de l’autre un visage sévère et même féroce.

Parce que Biarritz ne doit pas nous faire oublier le bilan de deux ans et demi de macronisme : sa politique sur le plan intérieur a cassé profondément le pays, favorisé l’émergence durable de l’extrême droite comme seul adversaire désigné parce que c’est plus pratique de se frotter aux idées de la gauche et de ne laisser le choix qu’entre lui et le lepénisme.

Un adversaire d’extrême droite dont il a pourtant employé les méthodes depuis le début du quinquennat. Notamment dans la répression policière d’une violence extrême face à une explosion de colère populaire, celle des Gilets jaunes, provoquée par sa politique antisociale et surtout l’arrogance avec laquelle elle a été menée.

On se rappellera au hasard la phrase de Benjamin Griveaux, le calamiteux candidat à la mairie de Paris, sur les pauvres qui clopent et qui roulent au diesel quelques semaines à peine avant le début du mouvement GJ, le 17 novembre. On pourrait aussi parler de sa politique face aux migrants et aux demandeurs d’asile qui depuis la circulaire Collomb de 2018 ne cesse de se durcir et présente assez peu de différences avec celle d’un Salvini sinon que Salvini, lui, fait (ou faisait) de la pub autour de cette politique de fermeture.

Un Macron qui est bien embêté d’ailleurs, tout autant que l’extrême droite, que les revendications du peuple français, au moment des GJ, n’aient pas porté sur les questions de l’immigration ou reflété une quelconque paranoïa islamophobe.

Au contraire, ce peuple lui a demandé du pouvoir d’achat et de la dignité. Le jour où le Macron de l’intérieur ressemblera au Macron de l’extérieur, on pourra peut être le croire. Mais allez savoir pourquoi, on doute que ce moment arrive.