La folie populiste

par JEROME LEROY
Publié le 17 janvier 2020 à 09:53

On admire beaucoup Trump dans une certaine droite française, dite populaire, dont la pensée se résume à la joie mauvaise quand le peuple (que la droite aime tant qu’il n’a pas de revendications sociales) donne une bonne leçon aux élites en votant pour des imbéciles ou des psychopathes, entourés par d’autres imbéciles et d’autres psychopathes pour les conseiller, de préférence s’ils sont racistes et nationalistes.

C’est cher payer la haine de la trottinette et des voies piétonnisées, je trouve. Il y a quelques jours, Trump menaçait de bombarder 52 sites culturels ou lieux de mémoires iraniens.Son entourage, qui ne vaut guère mieux que lui, l’a semble-t-il dissuadé pour l’instant. Il n’empêche, que cette idée lui soit venue en dit beaucoup sur le bonhomme. Qu’on ne vienne pas nous ressortir le point Godwin. Cette menace est une menace nazie. Même pas fasciste, mais nazie. Éradiquer une mémoire, c’est une solution finale. Le dernier exemple qui me vient à l’esprit est celui des bouddhas de Bâmiyân détruits par les Talibans en 2001. Détruits froidement, pas dans le feu de l’action comme ont pu être détruits des monuments en Syrie à Palmyre par exemple. Ce n’est pas une excuse, le feu de l’action, mais tout de même, ce n’est pas délibérément vouloir procéder à l’ablation du lobe frontal d’un pays pour le transformer en légume.

Trump est un taliban, Trump est un daeshien, ou plus exactement, il est en pleine rivalité mimétique avec eux. Ce qu’il regrette, ce qu’il envie chez ces fondamentalistes, c’est ce que son Amérique fantasmée à lui a perdu : une foi sans partage qui exclut la raison (Saint- Thomas, réveille toi, ils sont devenus fous), une foi qui garantit la soumission des masses par l’intermédiaire d’évangélistes pour qui la Terre est plate et le réchauffement climatique une invention chinoise pour empêcher le commerce.

Trump envie aussi chez ces islamistes une domination masculine triomphante qui voile les femmes, une virilité mal placée dans l’esprit de conquête, la cruauté avec l’ennemi. Que cet ennemi soit intérieur, comme ces nouvelles élues « liberals » , revendiquant le socialisme, qui sont autant de femmes jeunes issues des milieux populaires ou de l’immigration comme Alexandria Ocasio-Cortez, et qu’il devient difficile de traiter de « bobos » parce qu’elles, contrairement à lui, ont dû bosser pour réussir. Mais aussi cruauté avec l’ennemi extérieur, c’est-à-dire le reste du monde, surtout s’il a du pétrole et qu’il n’aime pas se laisser faire. America first , comme ils disent.

Le vrai visage du populisme, y compris en Europe, n’est pas seulement celui de l’encouragement pulsionnel à la haine « du peuple contre les zélites », c’est celui d’une barbarie encore un peu encombrée par de vieilles habitudes démocratiques mais dont on saura bien se débarrasser. Trump montre le chemin. Comme Bolsonaro. Jusqu’à la symbolique du chiffre 52 pour le nombre de cibles correspondant au nombre d’otages américains retenus en 1979 à l’ambassade américaine à Téhéran, ce qui relève d’une pensée magique ou d’une mauvaise blague d’un prophète de l’Ancien Testament. Certainement pas d’un chef d’État rationnel.

Chez nous, on a réussi un exploit, une hybridation, une mutation génétique. On l’appelle le macronisme. Le macronisme parque les migrants avec des enfants dans des centres de rétention, le macronisme réprime les manifestations avec un degré de violence rarement atteint et a, de fait, partiellement vaincu les GJ par la terreur que sa police a inspirée après quelques centaines de mutilations aux LBD et aux grenades de désencerclement.

Le macronisme est un populisme avec de l’eau de toilette, la raie au milieu et l’utilisation de mots de plus de trois syllabes. Mais c’est un populisme qui a d’ailleurs choisi son opposition, un autre populisme, celui du RN. Mais ne vous y trompez pas, entre l’Ubu d’outre-Atlantique qui veut réduire en cendres Ispahan, et le macronisme qui veut détruire l’État-providence, il y a des différences de méthode, de degré, certainement pas de nature.