Le cynisme à six euros quatre vingt

par JEROME LEROY
Publié le 28 septembre 2019 à 03:41

l fallait s’y attendre. Macron veut rallumer le feu sur la question de l’immigration et du droit d’asile. En gros, faire l’éternelle politique de la droite, et de la droite la plus dure sur la question, celle de Sarkozy à l’époque du ministère de l’Identité Nationale. Et il tient à nouveau, en public et en privé, un discours qui a toujours existé et qui vise à détourner l’attention de sa politique antisociale.

Ce discours, il est simple, c’est celui du Rassemblement National. Le même, exactement le même. Un discours qui veut opposer les pauvres isolés dans leurs quartiers dégradés et des musulmans qui se radicaliseraient. Si ce n’était pas à pleurer, on en rirait : Macron critique même la bourgeoisie des centres-villes qui elle, serait indifférente à cette souffrance. Il semble oublier une chose, le Petit Père des Riches, c’est qu’il est le représentant le plus caricatural de cette hyper bourgeoisie.

Ce qui est en train de se jouer avec ce virage macroniste sur l’immigration, c’est l’achèvement de la ressemblance entre En Marche et le RN qu’il prétend combattre. Macron veut, pour récupérer un électorat populaire qui n’est pas le sien, aller le chercher chez Marine Le Pen en tenant le discours de Marine Le Pen, une ennemie qu’il s’est choisie depuis le début et qui n’est pas une ennemie mais comme disait Lénine, une idiote utile. Marine Le Pen aide Macron sans le savoir à éliminer tout ce qu’il y a comme opposition entre elle et lui. Pour rejouer indéfiniment le scénario du deuxième tour de 2017.

C’est un jeu dangereux mais c’est le seul que peut et que veut jouer Macron. En effet, le peuple, il l’a perdu, pratiquement depuis le début de son quinquennat et définitivement depuis le mouvement des Gilets jaunes dont les cendres sont encore chaudes. Ce qui a le plus gêné Macron dans le mouvement GJ, ce qui lui a fait peur, vraiment peur, ce n’est pas seulement les beaux quartiers mis à sac et l’ Élysée transformé en bunker avec un hélico dans le jardin prêt à décoller si les choses tournaient mal, c’est surtout que l’immigration, l’identité, tous ces écrans de fumée utilisés depuis trente ans, n’ont pas été au cœur des revendications des Gilets jaunes. La preuve, c’est que la droite et l’extrême-droite elles-mêmes ont cessé de soutenir le mouvement quand elles se sont aperçues que ce que les GJ craignaient, c’était les fins de mois et pas le Grand Remplacement, c’était les vies qui ne sont plus des vies parce qu’on ne part plus jamais en vacances et pas les filles en burkini sur les plages. D’ailleurs, pour les voir encore faudrait-il posséder les moyens d’aller à la plage, et s’apercevoir du même coup qu’ils auraient autant de chance d’en rencontrer que de trouver un billet de cent euros sous un galet.

Alors retentons le coup de l’immigration, se dit Macron, rejouons l’antienne du pays trop attractif, trop gentil avec les demandeurs d’asile, retirons la carte « bancaire » qui permettait aux demandeurs d’asile de retirer six euros quatre vingt par jour, juste histoire de limiter encore leur autonomie en compliquant leur vie quotidienne. Et puis pensons à remettre en question l’AME, l’aide médicale d’État. Comme ça, on préservera notre mode de vie, paraît-il. Sauf qu’un des piliers de notre mode de vie, c’est l’hospitalité, l’accueil et la fraternité, pas de multiplier des vexations à la petite semaine afin de complaire à un peuple qu’on voudrait voir tellement plus xénophobe qu’il ne l’est.

Une politique, keynésienne ou réellement social-démocrate (façon Suède des sixties ou France du CNR), appliquée en France pendant dix ans, conduirait le RN à redevenir le groupuscule d’avant 1983, composé de pied-noirs cacochymes et de néo-nazis boutonneux. Pour leur part, les islamistes seraient réduits à trois barbus dans une cave à qui les ados kabyles en mini-jupe feraient des doigts d’honneur. Mais ça, bien sûr, ce serait trop simple… Redistribuer, vous n’y pensez pas ! Et les actionnaires, alors ? Ce n’est pas pour ça qu’ils ont élu Macron, les actionnaires…