Le guignol préfaciste

par LEROY JEROME
Publié le 13 novembre 2020 à 10:26

Je comprends tout à fait que l’on puisse être conservateur, en France, comme en Amérique (je ne suis pas certain que le conservateur puisse comprendre qu’on soit communiste mais ce n’est pas là mon propos).

Je comprends donc tout à fait qu’on puisse être Républicain. Une fois qu’on en a terminé avec la caricature, il n’y a rien de déshonorant à croire en la libre entreprise, en l’obligation de charité que demande le christianisme et penser que cela remplace aisément le welfare state [1] en moins intrusif. Je comprends tout à fait que l’on soit très pointilleux sur le plan des libertés individuelles tout en désirant s’inscrire dans une tradition, en aimant le drapeau et la Déclaration d’indépendance qui indique explicitement que le but de l’homme est « la poursuite du bonheur », ce qui est finalement le seul objectif qui vaille en politique.

Je comprends tout à fait qu’on puisse croire en un ordre social fondé sur le mérite tout en supposant l’égalité de tous les hommes devant Dieu, ce qui explique que c’est un Républicain qui en a terminé avec l’esclavage. Je comprends ce souci conjoint d’individualisme et d’inscription dans une communauté avec laquelle on prie le dimanche. C’est, au cinéma, l’Amérique de John Ford et de Clint Eastwood ou encore le personnage de shérif joué par Gary Cooper et marié à une Quaker dans Le Train sifflera trois fois.

Mais en revanche je ne comprends pas et je ne comprendrai jamais que les responsables républicains, à de rares exceptions, aient accepté un escroc de la télé réalité, un homme d’affaires minable, raciste et visiblement psychotique pour préempter leurs valeurs en les transformant en un populisme démagogique et violent. On ne se rendait même plus compte au bout de quatre ans de l’espèce de folie dans laquelle Trump avait entraîné un monde tétanisé par les énormités qu’il proférait, un excès chassant l’autre sans qu’on ait le temps de réagir.

Mais ce que je comprends encore moins, c’est que certains par ici, je veux dire en France, aient trouvé Trump sympa, voire acceptable, voire merveilleux parce qu’il crachait sur les « élites », les « bobos », etc. C’est un peu cher payé, Trump, je trouve, parce qu’on ne supporte pas le XIème arrondissement ou les Inrocks. J’ai du mal avec la post-gauche intersectionnelle, mais pas au point de trouver « quand même marrant » un mec qui se vante de saisir les femmes par la chatte et qui appelle tranquillou, à la fin de son premier débat avec Biden, des milices armées néonazies à se tenir prêtes. Trump a perdu mais a augmenté son score de plusieurs millions de voix. Ça ne prouve pas qu’il ait raison, ça prouve juste qu’il est plus facile de jouer sur ce qu’il y a de plus bas en nous : essentiellement la peur d’être minoritaire ethniquement dans son propre pays sauf que l’Amérique n’est pas et n’a jamais été un pays ethniquement homogène. Demandez à Lincoln ce qu’il en pensait quand il a décidé de libérer les Noirs. C’était un Républicain, Lincoln, alors que Trump n’était qu’un guignol préfasciste.

Notes :

[1Etat providence