Le pape ? Plus à gauche, c’est dur

par JEROME LEROY
Publié le 30 octobre 2020 à 11:58

C’est drôle tout de même, ce qui se passe avec le pape François. Il est devenu l’ennemi numéro un de la droite dans le monde. Le pape serait de gauche, mondialiste et même, depuis l’encyclique de 2015 Laudato si’, écologiste. Un cauchemar ! Bobo 1er au Vatican ! Bref un pur fruit de ce qu’on a appelé la théologie de la Libération même si en ce qui concerne François, les choses sont un peu plus compliquées et qu’il n’a pas toujours été celui qu’il est maintenant sous la dictature militaire argentine. Pour préciser les choses, en ce qui me concerne, mon communisme n’a jamais été incompatible avec le message évangélique, bien au contraire. Je pense que les Actes des Apôtres sont un texte aussi émancipateur que Le Manifeste. Cette apparente contradiction a pourtant été très répandue à une époque, notamment en France, en Italie et en Amérique latine. On peut la résumer dans les propos de Dom Helder Camara, archevêque de Récife sous une autre dictature militaire, la brésilienne : « Quand je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint, quand je demande pourquoi ils sont pauvres, on dit que je suis un communiste. » Aujourd’hui, c’est l’encyclique Fratelli Tutti qui rend furieux les milieux ultraconservateurs, parce qu’elle pousse jusque dans ses conséquences pratiques le message évangélique. Placée, comme Laudato si’, sous le signe de François d’Assise, elle invite à constater l’état du monde aujourd’hui, et ce n’est pas gai, sauf pour cette part de plus en plus infime de la population hors-sol des hyper-riches. Ce séparatisme social, François se contente d’indiquer le chemin pour y mettre fin : « Protéger le monde qui nous entoure et nous contient, c’est prendre soin de nous-mêmes. Mais il nous faut constituer un ‘‘nous’’ qui habite la Maison commune. Cette protection n’intéresse pas les pouvoirs économiques qui ont besoin d’un revenu rapide. » Les identitaires de tous bords n’ont plus envie de dire « nous ». C’est leur affaire. Mais ils n’ont pas à faire leur marché dans le catholicisme pour y prendre ce qui les arrange. Et ce qui les arrange, ce n’est certainement pas cette critique orwellienne d’un monde où la novlangue règne universellement au profit du Big Brother libéral : « Un moyen efficace de liquéfier la conscience historique, la pensée critique, la lutte pour la justice ainsi que les voies d’intégration consiste à vider de sens ou à instrumentaliser les mots importants. Que signifient aujourd’hui des termes comme démocratie, liberté, justice, unité ? Ils ont été dénaturés et déformés pour être utilisés comme des instruments de domination, comme des titres privés de contenu pouvant servir à justifier n’importe quelle action. » Sincèrement, dans un monde de plus en plus de droite, qui semble déraisonner dans tous les domaines, qui dit mieux, aujourd’hui, et avec une voix qui porte à travers le monde entier ?