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Il n’y a pas de crise migratoire, mais il y a une crise de notre humanité

par Philippe Allienne
Publié le 23 juin 2023 à 10:12

Le drame qui a coûté la vie à 650 exilés, le 14 juin au large des côtes grecques, est décrit comme l’un des plus important de la dernière décennie dans toute la Méditerranée. Le petit bateau de pêche transportait 750 personnes, dont sans doute une centaine d’enfants, qui avaient embarqué cinq jours plus tôt sur la côte nord-est de la Libye. Ils étaient syriens, égyptiens, pakistanais, palestiniens. Ils ont été transportés dans des conditions épouvantables. À chaque naufrage, à chaque drame, on entend un concert d’indignations. Nous conservons en tête l’image du cadavre de cet enfant kurde, en septembre 2015, Aylan Kurdi, retrouvé sur une plage turque. Nous ne pouvons oublier les innombrables témoignages venant d’Italie, de ces sauveteurs qui laissent glisser les naufragés englués dans le pétrole, sur l’île de Lampedusa. Il y a bien longtemps que la Méditerranée a perdu son caractère solaire pour prendre une dimension extrêmement funeste. 27 000 personnes y sont mortes de manière horrible depuis 2014. Dans tous les cas, il ne s’agit pas de statistiques. Nous avons affaire à des hommes, des femmes, des enfants qui fuient la guerre, la misère et, de plus en plus, les conséquences du changement climatique. Si l’on veut parler chiffres, il faut comprendre qu’ils ne feront qu’augmenter à l’avenir. Ce à quoi nous assistons n’est en rien une crise migratoire. C’est une crise d’humanité. De notre humanité. Ce processus migratoire contemporain n’est pas un chapitre de plus dans l’histoire des migrations que l’Europe connaît depuis toujours. C’est un phénomène inédit en cela qu’il concerne une masse de personnes migrantes qui ne se sont pas inscrits dans une trajectoire sereinement calculée. Mais ces exilés par obligation sont d’abord des individus qu’il importe d’identifier (on le fait depuis quelques années seulement) pour leur donner un nom, un visage, une histoire. On n’accueille pas une masse de gens, on accueille des personnes, des individus, des êtres humains. C’est ce que les pays riches ne peuvent comprendre, c’est ce que l’Europe ne peut comprendre. Les personnes exilées sont accueillies dans les 46 pays les plus pauvres ! Qu’en est-il chez nous ? Les refoulements d’embarcations transportant des réfugiés (comme cela se passe en Grèce), les politiques répressives telles que l’Europe les développe vont à contre sens de la réalité. “Personne ne peut croire qu’on arrêtera l’immigration, a fortiori avec le dérèglement climatique”, cette affirmation de Ian Brossat, adjoint communiste à la mairie de Paris, tombe sous le sens. Mais cela veut dire qu’il nous faut accueillir dignement ces personnes, leur offrir des places d’hébergement en nombre et en qualité suffisants, favoriser ensuite leur parcours dans leur pays d’accueil. Cela ne suffit pas. Il faut aussi œuvrer pour que ne soit plus empêché le développement des pays d’où fuient les réfugiés à force d’accords commerciaux qui ne favorisent que les pays riches. En aucun cas, la peur d’une montée du populisme et des extrêmes droites ne peut freiner notre humanité. Les faits, en Europe, montrent que l’argument est faux.