Attention au tapis !

par JEROME LEROY
Publié le 4 février 2022 à 11:07

La gauche, en ce moment, c’est l’art de se prendre les pieds dans des tapis qui n’existent pas. Les deux derniers exemples, somme toute catastrophiques, sont d’abord la venue de Mélenchon pour exposer son programme sur C8, face à Baba, en fait surtout face à Zemmour, et ensuite dans un autre genre de beauté, la Primaire populaire qui a couronné, dans un suspense plus proche de Derrick que d’Hitchcock, Christiane Taubira. Mélenchon face à Baba, d’abord : le problème avec Hanouna est juste qu’on est arrivé au stade ultime de « l’infotainment [1] », c’est-à-dire du mélange des genres, jusqu’à la nausée. Moi, si j’écoute des infos ou un débat, je n’ai pas envie, primo qu’on me fasse (ou qu’on essaie) de me faire rigoler, secundo d’entendre des rires et/ou des applaudissements comme au cirque, tertio d’écouter ce que pensent des gens des politiques. Je veux juste écouter ce que pensent les politiques eux-mêmes. Les « gens ordinaires », sur les plateaux, se révèlent en fait très engagés et soigneusement choisis pour déstabiliser l’invité. Ce coup-ci, c’était un policier facho. Je n’ai pas regardé l’émission mais j’ai eu le droit aux extraits saignants. Si je n’en ai pas eu envie, c’est parce que le dispositif Hanouna est de nature préfasciste : une grande confusion de toutes les valeurs, la dissolution en direct de toutes les décences, de toutes les éthiques personnelles et professionnelles. Le seul reproche que je fais à Mélenchon, qui s’est aperçu trop tard du piège, c’est son hubris qui lui donne l’illusion qu’il serait plus fort que ce dispositif piégé par essence. La Primaire populaire, ensuite. Encore un dispositif pour tuer la politique. C’est-à-dire ne pas privilégier le programme mais les personnes, comme si la présidentielle n’était déjà pas assez un concours de beauté plus que d’idées. Ce vote a poussé le ridicule jusqu’au bout en s’exprimant par le biais de la préférence majoritaire, qui a fait ressembler le résultat final à un conseil de classe d’un lycée expérimental qui aurait supprimé les notes. Qu’il désigne Christiane Taubira ne fait que rajouter une candidate, une candidate dont il serait bon de rappeler aux électeurs de gauche que la gauche, précisément, chez Taubira, ça tient plus de l’illusion d’optique que d’autre chose. Qu’on soit électeur de Jadot, d’Hidalgo, de Mélenchon ou de Roussel, on pourra légitimement se demander où elle était, Taubira, ces cinq dernières années ? On ne l’a pas trop entendue sur la circulaire Collomb sur l’immigration, sur la répression des Gilets jaunes, sur la réforme des retraites, de l’assurance chômage, sur la croisade idéologique de Blanquer contre les libertés universitaires. À part des propos ambigus sur la vaccination. Un bilan proche du néant pour prétendre incarner la gauche, je trouve... Décidément, plus que jamais, être de gauche, c’est voter à gauche, malgré la gauche... Et si possible voter communiste, évidemment.

Dernier roman publié : Les derniers des fauves (La Manufacture de livres).

Notes :

[1Infodivertissement.