Des ralliés et du ralliement

par JEROME LEROY
Publié le 28 janvier 2022 à 10:18

On a le droit de changer d’avis en politique. Après tout, il paraît qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Changer d’avis et, par exemple, penser que ses idées se- raient mieux représentées ailleurs. Admettons, même si être communiste, ce n’est pas seulement « un avis en politique », mais une manière de voir la société et le monde, une certaine manière de penser son rapport à l’autre. Il faut malgré tout distinguer le changement d’avis de la traîtrise pure et simple. Et pour les distinguer, c’est très simple : si vous changez d’avis pendant une campagne électorale ou juste après, il y a de fortes chances que vous soyez un traître. Ce n’est pas très élégant. On ne va pas la plaindre, mais Marine Le Pen vient de perdre trois soutiens proches en une semaine. Vous vous doutez bien que ces sympathiques individus n’ont pas quitté le RN pour LO mais pour rejoindre Zemmour, l’homme qui aime Pétain mais pas trop les handicapés à l’école. Si on examine le pedigree des trois bonshommes, il y a un député européen, Jérôme Rivière, qui était une antenne trumpiste en France, Gilbert Collard, autre député européen absentéiste, tartarin girouette incapable de se faire élire autrement que sur scrutin de liste, et Damien Rieu, une starlette de la fachosphère, seulement connu des agités du bocal fascisant qui crachent leur haine sur les réseaux. Bon, si ça se trouve, ils lui rendent service, à Marine Le Pen, que Zemmour fait apparaître calme et sympa (méfions-nous d’ailleurs de cet effet d’optique). Ce qui m’intéresse, en fait, dans cette histoire, ce sont les motivations. Dès qu’on gratte un peu, c’est assez sordide. En fait, les trois traîtres n’ont pas eu ce qu’ils voulaient au RN, on ne leur a pas donné de missions ou de titres assez gratifiants. Alors autant aller chez Zemmour où, vu la pauvreté intellectuelle de l’entourage, ils ont l’air de génies et sont bombardés vice-présidents. Chez nous aussi, pour être honnête, on voit bien des ralliements à d’autres candidats que Fabien Roussel. Je souhaite à ces camarades que les choses tournent bien pour eux parce qu’un camarade reste un camarade. Je signale juste que si ces convergences avec les Insoumis étaient réelles à ce point, il aurait peut-être fallu les acter plus tôt que quelques semaines avant l’élection. Dans ces ralliements de dernière minute, il y a toujours un petit côté coup de poignard dans le dos. Je ne suis pas certain que les électeurs aiment ça. Les Français ont tendance à aimer ceux qu’ils voient être victimes de ces trahisons, ces lâchages, ces abandons. On se souvient comment Chirac, donné archivaincu contre Balladur, l’a finalement doublé. Et ensuite, on peut se demander aussi ce que deviennent les traîtres en question. Eh bien la plupart du temps, ça ne porte pas bonheur. Vous souvenez-vous d’Éric Besson ? Non ? C’était un des principaux rédacteurs du programme de Ségolène Royal en 2007 qui a rallié Sarkozy... entre les deux tours. On voit que ça ne lui a pas porté bonheur. Aujourd’hui, même sa boulangère ne le reconnaît plus.