Fierté

par JEROME LEROY
Publié le 3 avril 2023 à 09:54

Et soudain, dans le cortège lillois, au moment où il est arrêté par un premier mur de lacrymogènes et des feux de poubelles, cette pancarte en carton, brandie par une étudiante : « Le sens de l’histoire. » C’est tout. Et c’est assez. Assez pour résumer ce qui se joue en ce 23 mars pour cette neuvième manifestation. Pour paraphraser le regretté Frédéric Fajardie, dans un de ses meilleurs romans, Jeunes femmes rouges toujours plus belles, la jeune hégélienne est toujours plus belle, qui nous rappelle que ce qui cherche à se réaliser dans l’Histoire, c’est la Raison. Et que la Raison est évidemment dans les cortèges partout en France, qui veulent une société où ce n’est pas l’homme qui est au service de l’économie mais l’économie qui est au service de l’homme. Il n’y a aucune raison rationnelle à travailler plus, il y aurait même une sorte de folie à le faire, écologique, sociale, humaine. Tous les arguments exténués qui ont été sortis par les pitoyables porte-cotons de la très incertaine majorité présidentielle et relayés par les ces nouveaux valets 2.0 que sont les journalistes spécialisés en économie des chaînes infos se heurtent à cette évidence : le peuple descend toujours et encore dans la rue, c’est lui qui fait l’Histoire, sous nos yeux rougis par les gaz. Seul le zombie de l’Élysée, qui est mort et qui ne le sait pas, qui, la prochaine fois qu’il s’adressera aux Français, choisira sans doute France Bleu Mayenne à 3 heures du matin pour aller jusqu’au bout du déphasage, y croit encore. Tous les paris sur la résignation faits par ceux qui, chantait Aristide Bruant, sont « le linceul du vieux monde », ont manifestement échoué. Comment ne pas se sentir, à ce moment, par ce printemps frisquet, fier de ce peuple qui persiste à dire non alors qu’on aura tour à tour fait preuve avec lui de « pédagogie » - quel mot méprisant en politique - et d’intimidation. Ce peuple qui, à rebours de toutes les prévisions, a au contraire accentué sa mobilisation.