Macron, ou comment amuser le tapis

par JEROME LEROY
Publié le 25 mai 2022 à 12:32

Amuser le tapis, au poker, indique que l’on joue petit jeu en attendant une partie sérieuse. C’est exactement ce que fait Macron depuis sa réélection. Il a mis un mois à composer un gouvernement et une fois ce gouvernement composé, il a trouvé le moyen de faire naître au moins deux polémiques, histoire de distraire les citoyens des élections législatives qui ne vont pas être aussi évidentes que ça face à une extrême droite toujours à un niveau élevé et, surtout, une gauche unie qui va présenter un seul candidat dans l’immense majorité des circonscriptions. Première polémique, celle-là est prévue et voulue : la nomination de Pap Ndiaye à l’Éducation nationale. Blanquer, soigneusement absent de la campagne électorale pour ne pas perdre ce qu’il reste de profs votant pour Macron, a été remercié et prié de tenter de se faire élire député à Montargis, ce qui n’est pas gagné d’avance. Pour le remplacer, un universitaire brillant mais qui suscite, comme prévu, une levée de boucliers du côté de la droite. Le nouveau ministre serait un affreux représentant de la mouvance woke et a osé parler, naguère, de « violences policières ». Cela a suffi à faire, de manière très pavlovienne, chanter le chœur des vierges effarouchées qui confondent, comme Blanquer, la laïcité vue surtout comme un moyen de combat pour réduire les revendications des minorités et qui estime que l’urgence est de vaincre l’hydre « islamogauchiste », comme ils disent. Rassurons-les, il faut que tout change pour que rien ne change. On vient d’apprendre que le chef de cabinet désigné par l’Élysée pour seconder le nouveau ministre est Jean-Marc Huart, ancien directeur général de l’enseignement scolaire, Dgesco pour les intimes, c’est-à-dire vice-ministre. Huart est une des âmes damnées de Blanquer, qui a été brièvement connue du grand public lors de la tentative pour créer sur les fonds publics un syndicat lycéen maison, en fait une coquille vide, favorable à la catastrophique réforme du baccalauréat. Autant dire que la marge de manœuvre de Pap Ndiaye est déjà extrêmement réduite. Et pendant ce temps-là, la grande misère de l’Éducation nationale continue puisqu’on apprend par exemple qu’à Annonay des élèves préparent le bac de français sans professeur de français… La seconde polémique, beaucoup plus crapoteuse, c’est celle qui touche la prise de guerre Damien Abad, ancien président du groupe LR qui, à peine nommé, se voit accusé par deux femmes de violences sexuelles et obligé d’indiquer que son handicap ne lui permet pas, sans assistance, d’avoir un rapport sexuel. On en est là. Pendant ce temps-là, évidemment, le pouvoir d’achat reste en berne, des pénuries sporadiques surviennent, un jour l’huile, un autre la farine, encore un autre la moutarde ou les bouteilles en verre. Et le nouveau gouvernement de faire semblant d’agir. Bruno Le Maire, resté à l’Économie comme son collègue Darmanin à l’Intérieur, annonce qu’il « demande » aux entreprises d’augmenter les salaires pour limiter la casse. C’est bien connu, en France, le patronat est composé de philanthropes à qui on n’a pas besoin d’imposer, en général dans la rue, un rapport de force pour obtenir des améliorations de la condition salariale… Et puis, on évite aussi de parler de la retraite à 65 ans trop frontalement, ce chiffon rouge, au moins jusqu’à ce que la nouvelle Assemblée nationale soit élue. Il nous reste juste à espérer que la Nupes, dans un mois, renvoie tout ce monde-là à ses chères études, et qu’on commence enfin à passer aux choses sérieuses. Ça ne tient qu’à nous et à nos bulletins de votes…