A Troyes, c’est mieux !

par Philippe Allienne
Publié le 20 décembre 2018 à 15:12

En pleine tourmente sociale, politique et démocratique (pour tenter de résumer l’action des Gilets jaunes), une avocate et un tribunal rappellent l’injustice et la distance vis-à-vis des citoyens sur lesquelles se fondent la politique et le système Macron. L’avocate se nomme Hélène Melmi. Elle vient de plaider - et de gagner en première instance - la cause d’une victime d’un licenciement abusif devant le conseil des prud’hommes de Troyes, dans l’Aube. Cela a le mérite de rappeler la politique de casse de notre système social menée par le gouvernement.

Cette casse passe, entre autres, par celle du code du travail. Commencée sous le gouvernement Hollande (avec la loi El Khomri), elle s’est poursuivie sans transition, et avec les caractères aggravants que l’on sait, sous le début de l’ère Macron.

Déjà lorsqu’il était ministre de l’Economie lors du quinquennat de François Hollande, Emmanuel Macron avait clairement affirmé que la réforme portée par la ministre du Travail n’allait pas suffisamment loin. Il avait alors tenté, sans y parvenir, de plafonner les dommages et intérêts qu’un tribunal peut accorder à un salarié qui a fait l’objet d’un licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».

Une fois élu président, il a rapidement fait passer cette mesure par le biais de ses ordonnances. Depuis l’an dernier, quel que soit le préjudice subi, un salarié licencié, fût-ce de manière abusive, ne pourra percevoir que vingt mois de salaire au maximum.

Cette disposition a depuis été appliquée sans l’ombre d’un commentaire. Il est tout de même arrivé, comme au Mans, que le conseil des prud’hommes soit interpellé sur la conformité du barème imposé aux conventions internationales, notamment la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Les juges n’avaient pas donné suite.


Il n’en a pas été de même à Troyes. Le 13 décembre, le conseil de prud’hommes de cette juridiction, saisi de la même question par Me Hélène Melmi, a donné raison à cette dernière. Il a considéré que le plafonnement incriminé n’était conforme ni à la convention de l’OIT, ni à la Charte sociale européenne. En conséquence, le salarié défendu par Me Melmi a obtenu une indemnité de neuf mois de salaire au lieu des quatre mois (étant donnée son ancienneté dans l’entreprise) qui lui auraient été concédés en cas de jugement en sa faveur.

La décision de fera pas jurisprudence

Les juges du Mans ont en effet considéré que le plafonnement « ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés (…) et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi  ». Par ailleurs, disent-ils, ces barèmes « ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs et (…) sécurisent davantage les fautifs que les victimes ». Une brèche vient ainsi d’être ouverte dans les ordonnances Macron. Mais elle demeure très faible. La décision des juges de Troyes ne risque pas de faire jurisprudence.

Dans la logique macronienne, le plafonnement permet aux employeurs de budgéter bien en amont le coût d’un licenciement. On devine la marge de manœuvre que cela leur procure. Considérant le jugement de Troyes, le ministère du Travail n’hésite pas à mettre en doute la qualité de la formation juridique des conseillers prud’homaux. On devine qu’il préférerait les remplacer par des juges professionnels. Il reste à attendre le jugement en appel et, sans doute, la décision de la Cour de cassation qui ne manquera pas d’être sollicitée.