(Agnès), Olivier, Hugo, François, Gabriel et les autres

par Philippe Allienne
Publié le 5 février 2021 à 11:02

C’était il y a bien longtemps. Dans la jeunesse de ce vieux quinquennat, Agnès Buzyn était cette ministre des Solidarités et de la Santé qui, en octobre 2018, avait lancé une « vaste concertation » sur le grand âge afin de proposer une « réforme ambitieuse » pour l’automne 2019. De fait, la concertation (en ligne ouverte, s’il-vous-plaît) a bien été menée, sous la conduite de Dominique Libault (nommé par le Premier ministre Édouard Philippe), entre le 1er octobre et le 5 décembre 2018 auprès de 414 000 participants pour au final recueillir 18 300 propositions et 1,7 million de votes. C’est ce qu’il est convenu d’appeler une « vaste concertation ». Convenons-en donc. Par la suite, il y eut un débat public reposant sur une dizaine d’ateliers nationaux, cinq forums régionaux, une centaine de rencontres bilatérales, de nombreux groupes d’expression de personnes âgées, de professionnels et d’aidants. Tout semblait bien parti pour une réforme sensée améliorer le sort des « aînés », le fonctionnement des Ehpad (avec, pourquoi pas, un modèle neuf et plus efficace à la clé), les conditions de maintien à domicile, la rémunération des aides à domicile, etc. En son temps, Agnès Buzyn savait faire face (ou pas) à un sacré défi démographique. Pensez : les prévisionnistes prévoient 2,45 millions de personnes en perte d’autonomie à l’horizon 2060 ! Elles seront 1,6 million dès 2030. C’est dire qu’il est temps « d’agir pour l’autonomie » et de « mieux prendre soin de nos aînés ». Le projet est reporté pour fin 2020, ou début 2021. Le 16 juillet 2020, Olivier Véran, le ministre qui succède à la ministre, assure qu’elle « sera sans doute la grande réforme sociale de cette fin de quinquennat très attendue par des millions et des millions de familles ». Oui mais... En complément de la loi sur la dette sociale et l’autonomie, votée en juin 2020, le projet prévoit une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée au risque de perte d’autonomie. Cela se budgète. Alors on prétexte des retards dus à l’opposition au projet de réforme du système des retraites et... à la crise sanitaire. Dernier épisode : Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, annonce le 13 janvier un report après la crise ! Cette crise dont la gestion sacrifierait les jeunes au détriment des anciens ! Les télés ressuscitent alors le réactionnaire et quadragénaire François de Closets pour plaider en faveur des jeunes dont l’avenir est menacé en raison des mesures anti- Covid. Au passage : haro sur ces vieux qui ont « bien » vécu. Lui, sans doute, a très bien vécu et semble vouloir continuer. En face du pauvre de Closets, un jeune journaliste, Hugo Travers, se fait à juste titre le porte-parole de cette jeunesse « sacrifiée » et réclame des moyens. Réponse de la secrétaire d’État Sarah El Haïry, qui se permet de le tutoyer : les jeunes n’ont qu’à s’engager dans le service civique. Mépris sans limite d’un gouvernement tant envers les « anciens » (qu’Hugo Travers ne s’est jamais permis de mettre en cause) et la jeunesse sur laquelle on fait semblant de pleurer.