Charlie, pour notre liberté de penser

par Philippe Allienne
Publié le 4 septembre 2020 à 10:15

La représentation de Danièle Obono en esclave pour, soi- disant, dénoncer dans une politique fiction de l’été « la responsabilité des Africains dans les horreurs de l’esclavage » est ignoble.

Valeurs Actuelles, qui sait si bien jouer sur la scène médiatique pour se donner une figure humaine, révèle ici, s’il le fallait, sa face hideuse et fascisante. Danièle Obono a bien raison de refuser ses excuses.D’ailleurs, s’il fallait chercher le début du début d’une toute petite raison d’accepter de telles excuses, l’odieux Éric Zemmour l’aurait annulé grâce à ses commentaires basés sur des approximations racistes.Non, Danièle Obono n’a jamais clamé son amour pour le terroriste Merah. Cela étant, les positions de Danièle Obono, défendue à cor et à cri par Jean-Luc Mélenchon, sont en soit très critiquables.

Sa conception de la citoyenneté et de la laïcité s’accorde mal de la République. La défense d’une catégorie de personnes victimes de racisme et d’exclusion depuis des générations ne peut tout excuser. Au contraire, les approximations, là aussi, et les simplifications qui veulent ne voir que l’aspect victimaire chez des personnes ou des groupes de personnes, certes stigmatisées depuis longtemps, ne peuvent qu’être contre-productives. Des travaux ont été réalisés, à la fin des années 80 et dans les années 90, par des chercheurs, sociologues souvent, et des journalistes, pour chercher à en finir avec la piégeante problématique de l’intégration.Le combat n’a sans doute pas été suffisant ni bien mené.

En tout cas, celles et ceux qui s’y sont frottés étaient encore là pour combattre la thèse de Nicolas Sarkozy quand il vantait les « bienfaits de la colonisation ».Tout cela semble aujourd’hui oublié, radié des mémoires.Et la stigmatisation des jeunes et de toute une catégorie de la population, souvent exclus du monde du travail, ostracisés en raison de leur nom, voire du nom du quartier où ils habitent, a fait le reste.On peut toujours chercher les responsables de cet échec des politiques « d’intégration ».

La réalité est que l’on a davantage affaire à une lutte des classes que les élites ont niée.Les dérives vers le communautarisme peuvent toujours s’expliquer.L’absence de remède, d’accompagnement, d’une véritable politique d’insertion dans la laïcité, bref d’une réelle volonté politique, a conduit à la catastrophe. Pour autant, rien ne peut expliquer le basculement vers un repli identitaire qui nie les valeurs républicaines.L’islam, comme toute religion, appartient à la sphère privée. Rien, en tout cas, ne peut excuser le terrorisme et la barbarie.Oui, même s’il pouvait agacer par ses excès,même s’il pouvait se tromper, même si ses colères - ou ses rires - pouvaient parfois être à géométrie variable, Charlie Hebdo se devait et se doit toujours d’être défendu. Comme doit être défendue la mémoire des victimes qui ont péri sous les balles des assassins. C’est cette horreur à laquelle il faut s’attaquer. C’est pour cela que Danièle Obono aurait pu verser une larme. Pour notre liberté de penser et d’être.