Comment stigmatiser pour mieux mépriser

Publié le 28 février 2020 à 15:29

Comme s’il n’avait pas assez de ses propres dossiers, voici que le ministre de l’Éducation s’empare de ceux de son collègue de l’Intérieur.

Il l’a dit, a persisté, a signé : à Maubeuge et à Roubaix, par exemple, la loi islamique a remplacé la loi républicaine. Et pour étayer ses propos, lorsqu’il est interrogé par la presse régionale, il déploie cet argument aussi précis que subtil : « Il m’arrive d’aller dans certaines villes où ça se voit (...) : Roubaix par exemple, Maubeuge. (...) Ce sont des endroits où certains ont pris le pouvoir dans la rue. »

Avec ce bel exercice de fayotage qui suit la déclaration du président Macron sur le « séparatisme islamiste » , Jean-Michel Blanquer ne propose rien, il stigmatise une catégorie de la population. Or, la stigmatisation des quartiers, des cités ou des banlieues est un excellent moyen pour masquer le mépris de la bourgeoisie au pouvoir pour le peuple, c’est-à-dire pour les habitants de ces quartiers montrés du doigt.

Qu’il y ait des problèmes de communautarisme, de repli communautaire, voire même de bandes mafieuses, nous savons gré à M. Blanquer de nous en informer. Les travailleurs sociaux et les associations qui, ces trente dernières années, n’ont jamais été entendus apprécieront. Les ministres qui se sont fendus de belles visites, que ce soit à Roubaix, à Maubeuge ou partout ailleurs, n’ont rien fait que passer.

Sans occulter les problèmes posés par l’intégrisme, mieux vaudrait, au lieu de parler de zones de non droit, parler de quartiers abandonnés. Au lieu de dénoncer le repli communautaire, il faudrait plutôt combattre réellement la pauvreté qui gangrène certains quartiers et y enferme leurs habitants. Au lieu de parler de ces emplois que l’on trouve de l’autre côté de la rue, il faudrait plutôt offrir de vraies perspectives.

S’agissant de l’islamisme, que l’on nous ressert à toutes les sauces, il est temps de rompre avec l’absurdité des vieux discours qui attisent les haines. Comme l’écrit fort justement Patrick Le Hyaric dans son livre La banlieue porte plainte (parce qu’elle ne se plaint pas), « face à ce qui divise, ce qui blesse les cultures et les croyances, l’enjeu n’est pas seulement de réparer la cage d’escalier mais de réparer la République sociale, démocratique, laïque ».

Mais cette République-là ne rime pas avec les inégalités que va engendrer la réforme du bac de Jean-Michel Blanquer. Elle ne rime pas avec la réforme des retraites, elle ne rime pas avec la politique du logement et la loi Elan, elle ne rime pas avec la réforme de l’assurance chômage, elle ne rime pas avec les inégalités territoriales, elle ne rime pas avec le recul des services publics. Il nous arrive de regarder du côté du gouvernement. C’est un endroit où certains ont pris le pouvoir contre le peuple