Conseil de déontologie journalistique : une mauvaise idée

par Philippe Allienne
Publié le 6 décembre 2019 à 09:01

Fallait-il que la haine des médias affichée par une partie des Gilets jaunes, au début de leur mouvement, soit telle que le gouvernement ait voulu un ordre des journalistes ? Bien sûr, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) qui vient d’être créé n’a rien d’un ordre professionnel. C’est ce qu’affirme avec force l’un de ses fondateurs, Patrick Eveno, le président de l’Observatoire de la déontologie de l’information.

Pour autant, on ne peut oublier les propos du secrétaire d’État au numérique, Cédric O, qui avait bien appelé, avant de rectifier ses propos, à la création d’un « ordre des journalistes ».

L’idée est récurrente. En France, elle a rejailli en 2007 à Lille, lors des premières assises du journalisme. Il s’agissait alors de réfléchir à la manière de produire une information de bonne qualité en respectant les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes et... les sources des journalistes.

Cela paraît évident, mais il vrai que si les médias attirent autant de défiance du public, c’est que les débordements sont bien réels. La course à l’audimat et la rapidité qui empêche de vérifier correctement les informations en est une des raisons principales. La confusion entre information et communication en est une autre. Il faudrait y ajouter les conditions de plus en plus difficiles pour exercer le métier. La réduction des effectifs rédactionnels dans les entreprises de presse, les moyens en berne pour de nombreux journaux (mais pas tous), la précarisation des journalistes, etc. ne font pas bon ménage avec la qualité de l’information. Le nouveau conseil peut-il remédier à tout cela ?

Mais les règles de déontologie, sans compter l’éthique personnelle de la plupart des journalistes, sont une réalité. Il y a quelques années, seuls des personnages comme Robert Ménard (qui se cachait encore derrière l’image de Reporters sans frontière) déclaraient caduques les chartes de déontologie comme celle de Munich. Ces chartes ont certes été rédigées il y a fort longtemps, à une époque où n’existait ni internet, ni le développement des télévisions et des nouveaux médias. Mais les principes demeurent.

Ce qui apparaît troublant, avec la création de ce conseil, c’est qu’il a été précisément souhaité par le gouvernement. Ensuite, elle arrive dans un contexte très complexe : l’adoption d’une loi sur les fausses nouvelles en période électorale et la loi sur le secret des affaires. À cela s’ajoute l’adoption par l’Assemblée nationale de la résolution Maillard qui élargit la définition de l’antisémitisme à l’antisionisme. À y regarder de près, on s’aperçoit que la France s’aligne ainsi sur de nombreux pays de l’Union européenne.

Il est difficile de croire que ce Conseil de déontologie, qui se présente comme le contraire d’un tribunal des médias ou d’un censeur de l’information, ne soit pas un jour transformé en ce qu’il ne veut pas être. L’occasion faisant souvent le larron.