Couvrez ce nombril que je ne saurais voir !

par Philippe Allienne
Publié le 18 septembre 2020 à 10:31

Les Tartuffe sont de retour. Et s’ils n’en sont pas, c’est qu’ils sont des puritains. Emmanuel Macron compare des élus écologistes aux Amish, d’autres comme Jean-Michel Blanquer ou Valérie Pécresse voudraient presque purifier les vêtements des lycéennes. Les lycéens ne semblent pas concernés ici et c’est bien le problème. De quoi s’agit-il ? À dire vrai, le ministre de l’Éducation nationale, qui manque toujours les occasions de se taire, n’est pas celui qui a démarré la polémique en cours. Et quelle polémique ! Le sujet est tellement important qu’il risque de faire vaciller l’administration.

Tout démarre au musée d’Orsay, il y a un peu plus d’une semaine, quand une jeune femme se voit refuser l’entrée au motif qu’elle arbore un décolleté généreux. Les cerbères, soutenus par leur directrice, lui demandent d’aller se rhabiller ou, au moins, de revêtir la veste qu’elle avait ôtée en raison de la chaleur. Après un échange verbal houleux, la jeune femme a fini par céder. C’est donc bien couverte qu’elle a pu admirer les nus africains de la double exposition intitulée « D’un M/ Musée à l’autre ».Le musée d’Orsay a par la suite présenté ses excuses à la dame. Trop tard, elle a vécu ce passage comme une violence. Cela en était une quand on imagine que les gardiens n’ont vu en elle qu’une paire de seins. Aux dernière nouvelles, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes n’a pas réagi.

Ce non-événement a cependant eu des suites quand, sur les réseaux sociaux, des féministes ont appelé les lycéennes et collégiennes à s’habiller comme elles le voulaient. C’était une occasion de dénoncer les règlements intérieurs des établissements, règlements souvent jugés très flous par ailleurs. Aussitôt souhaité, aussitôt appliqué. L’appel a été entendu et dès lundi dernier, on a vu des lycéennes et des collégiennes se présenter en classe vêtues d’un T-shirt court (« crop top ») découvrant le nombril, de jeans troués ou autres vêtements « jugés » provocants. Mais jugés par qui ? Par des hommes le plus souvent. Qui sont ces pères La Pudeur, parfois nombrilistes mais jamais suffisamment myopes pour tomber par inadvertance dans un décolleté ? Et lorsque la jeune lycéenne répond au sage et prude proviseur qu’il n’avait qu’à ne pas regarder, elle est aussitôt sanctionnée.

C’est là qu’intervient le ministre de l’Éducation, M. Jean-Michel Blanquer. Ne sachant trop comment se positionner face à cette question délicate, il répond qu’il « suffit de s’habiller normalement ». Normal ? Non justement, pas normal. On ne peut, au moment où l’on prétend vouloir lutter efficacement contre les inégalités et les violences faites aux femmes, continuer à raisonner avec des règlements (« tenue correcte exigée ») dignes du 19ème siècle. Le regard toujours, le regard encore... à vous faire rougir jusqu’au vaccin.