Crise ou pas, les services publics trinquent

par Philippe Allienne
Publié le 3 avril 2020 à 08:57

ll y a quelque chose, dans ce gouvernement, qui fait que l’on a toujours l’impression que cela patine. La chose est à présent acquise, depuis que la pandémie de Covid-19 fait des ravages, les services publics sont indispensables à la bonne marche du pays. Pourtant, le gouvernement, comme les précédents, n’a eu de cesse de s’attaquer à hôpital public avant de découvrir les qualités exceptionnelles du personnel soignant. Pourquoi alors ne l’avoir pas écouté avant et avoir donné cette impression de mépris qu’ont ressenti les professions hospitalières ? Sans doute parce que cette impression était fondée. Sans cette crise sanitaire, le travail de déconstruction se serait imperturbablement poursuivi. Et de fait, il serait naïf de croire que le gouvernement ne reprendra pas son funeste travail dès que le virus lui laissera du répit (lire notre éditorial).

Autre dossier, de taille XXL, celui de l’Éducation nationale et des enseignants que le pouvoir ne ménage pas depuis des décennies. De réforme en réforme, celles et ceux qui sont chargés de l’éducation de nos enfants observent avec stupeur la manière dont on casse cette belle institution. Aujourd’hui, crise sanitaire oblige, force est de se rendre compte du rôle essentiel des enseignants. Nous attendons impatiemment les prochaines déclarations de Jean-Michel Blanquer sur la suite qui sera donnée à cette situation. Mais nous sommes sans illusion.

Et puis, il y a les prisons. Celles où, dès les premiers jours du confinement, le gouvernement menaçait d’envoyer ceux qui persistent à sortir. Voilà un an et demi que la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a commencé à s’attaquer à la surpopulation carcérale. Son « plan prison », présenté en septembre 2018, visait à réduire l’effectif des prisonniers de 8 000 personnes et à créer 7 000 nouvelles places. La ministre entend aussi redéfinir l’échelle des peines.

Aujourd’hui, c’est encore la crise sanitaire qui révèle, ou rappelle, l’ampleur du désastre. On redoute que l’épidémie ne s’étende de façon sévère dans l’univers carcéral. Un premier lot de masques (170 000) vient seulement d’être livré. La distribution de gel hydroalcoolique démarre à peine. Et la ministre a demandé aux procureurs de retarder l’exécution des peines et de ne pas prononcer de mesures de détention provisoire. Les ordonnances du 25 mars permettent de libérer des détenus arrivés en bout de peine. Fièrement, Mme Belloubet annonce 5 000 détenus en moins dans les prisons. Sauf que, en août 2018, il y avait 70 519 prisonniers pour 59 870 places. Juste avant la libération des 5 000 détenus, l’effectif de la population carcérale, début mars, s’élevait à 71 000 pour 61 000 places. Crise ou pas crise, on est loin du compte annoncé en septembre 2018. Quant à des cellules individuelles, cela relève de l’utopie