Élitisme et libéralisme

par Philippe Allienne
Publié le 23 novembre 2018 à 12:04

Tandis que le questionnement sur le sens de la révolte des Gilets jaunes tenaille politiques et intellectuels, le système Macron poursuit placidement et insolemment son chemin. Celui du libéralisme qui n’a que faire des états d’âme des uns et des autres.

Occupées à faire les comptes entre les fachos et les fâchés, les « unes » de la presse, des radios et des écrans laissent filer un peu rapidement la réforme du lycée qui se met discrètement en place et les frais d’inscription universitaires qui vont être décuplés. Ces deux projets reposent sur un point commun : la recherche de l’élitisme.

Concernant d’abord la réforme des programmes du lycée, liée à la réforme du bac qui s’appliquera en 2021, la consultation des enseignants vient de s’achever. Et visiblement, ces derniers sont pour la plupart inquiets. Certes, les tenants du macronisme accuseront encore ce corps d’afficher son conservatisme à chaque fois que l’on parle réforme. Le refrain mensonger de cette « France non réformable » est connu.

Ici pourtant, la politique de Jean-Michel Blanquer atteint des sommets. Les principales matières enseignées vont être revisitées dans un esprit parfaitement réactionnaire. En histoire-géographie, les nouveaux programmes opèrent un bond en arrière de trente ans pour revenir aux enseignements des années 1980. Cela revient à s’asseoir sur trente ans de travaux et de recherche, s’indigne une enseignante, professeur d’histoire-géographie.

L’aspect social de l’Histoire est mis à mal, comme la place de l’immigration ou la place des femmes. Les enseignants perdent une bonne part de leur liberté de choix. Sera-t-il encore possible, par exemple, de consacrer plus de temps que le minimum imposé pour expliquer les enjeux et conséquences des guerres mondiales, de l’horreur nazie, et de mettre ces périodes noires en perspective avec la montée des droites extrêmes dans le monde actuel ? Pas si sûr.

Dans le domaine des sciences économiques et sociales, on fait la part belle à la technique et à la micro-économie. Tant pis pour l’étude des inégalités sociales, la consommation, etc. Les nouveaux programmes insisteront sur comment fonctionne un marché concurrentiel mais n’en verront que les « bienfaits ». La notion de libéralisme prendra toute sa place.

Les programmes mathématiques seront complexifiés au point de jouer la carte de l’élitisme et, par conséquent, de laisser les plus faibles sur le côté. Il s’agit là de préparer la sélection avant les études supérieures.

La loi du fric

Précisément, le niveau des études universitaires serait considéré médiocre par les pays étrangers notamment les pays asiatiques. Est- ce bien le niveau des études qui est ici en cause ? Pas du tout. On reproche à la France de permettre à des étudiants étrangers (hors Union européenne) d’étudier pour deux fois rien ! Les frais d’inscription dans nos universités sont de 170 euros par an pour une licence et 243 euros pour un master. Alors, pour rendre nos facs plus attractives, et attirer les élites étrangères, les frais d’inscription vont passer respectivement, pour ces étudiants, à 2770 et 3770 euros par an !

Une fois encore, on s’aligne sur la loi du fric. Un Français qui choisit de faire ses études en Chine doit débourser 10000 euros par an, se défend le Premier ministre. Donc, fort logiquement, pour retrouver une attractivité en perte de vitesse, on augmente les prix. Au grand dam des étudiants venant de pays où le niveau de vie est très bas. Peu importe, puisque c’est l’élite qui est privilégiée.