Faire revenir Mohammed Lakel

par Philippe Allienne
Publié le 21 août 2020 à 13:14

La manifestation nocturne organisée par le Comité des sans-papiers devant la préfecture du Nord, ce 19 août, n’avait évidemment rien d’anodin.

L’expulsion vers l’Algérie du jardinier roubaisien, en août 2019 relève de l’incompréhension d’autant que la préfecture l’avait, par la voix de son secrétaire général adjoint, rassuré sur l’étude de son dossier de régularisation. Il satisfaisait en effet à tous les critères de citoyenneté et d’intégration au sein de la société française.Il faut plutôt comprendre, dans cette décision administrative, une volonté de durcissement de la politique française en matière d’immigration et de régularisation. Les récents propos du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ne laissent pas de doute à ce sujet. À cela s’ajoute la volonté du gouvernement de tenter de couper l’herbe sous le pied à l’extrême droite en se montrant volontiers agressif contre les exilés.

On sait aussi que le Comité des sans-papiers 59, considéré comme un modèle en termes d’aide à la régularisation jusqu’en 2007, a fait les frais de cette exemplarité. À l’époque, aidé par son ex-collaborateur devenu préfet du Nord, Daniel Canépa, Nicolas Sarkozy y était allé de sa méthode « kärcher ».Cette année-là, la grève des sans-papiers s’est soldée par un échec, le comité a perdu en représentativité pour participer à l’instruction des dossiers de régularisation. Aujourd’hui, la grève de la faim n’est plus un moyen de pression.

Mais surtout, le contexte et la donne ont changé. Les sans-papiers qui arrivent dans la région ont particulièrement souffert.C’est le cas pour les Syriens, notamment, qui ont été confrontés à l’exploitation,voire à l’esclavage puis à des conditions de traversée particulièrement difficiles et meurtrières. Une fois en France, ils sont plutôt tentés par la recherche d’une solution administrative, fut-ce au prix d’un parcours long et périlleux, que par le choix d’une lutte et d’un engagement militant. On peut dire la même chose pour tous les autres qui sont confrontés au chômage, au mal logement, aux conditions de vie particulièrement difficiles. C’est d’ailleurs pour dénoncer ces conditions que le CSP rejoindra, le 17 octobre, au terme d’une marche de Lille vers le palais de l’Élysée, la Marche des solidarités. Il appelle à la convergence des chômeurs et des sans-papiers.

Dans leur volonté de casser, petit à petit, le mouvement des sans-papiers, les gouvernements successifs, de Sarkozy à Macron, n’ont eu de cesse de se durcir. Ce faisant,c’est tout un pan du mouvement social auquel ils s’attaquent. Le macronisme et son libéralisme remportent la palme en ce domaine. C’est pour cela que le retour en France, dans le Nord, chez ses amis roubaisiens, de l’Algérien Mohammed Lakel, serait une victoire de l’humanité. Il serait aussi un symbole des luttes sociales dont le développement est plus que jamais indispensable à la santé de la démocratie et de notre République.