L’anti-corrupteur accusé de corruption… pour tenter de s’en débarrasser ?

Publié le 19 février 2021 à 16:43

« Ils n’ont pas honte ! » Nous pourrions, pour cette chronique, reprendre ce titre de rubrique de l’Humanité qui, chaque jour, s’indigne ainsi des coups tordus, des malveillants et des handicapés de la vergogne. Selon le Journal du Dimanche, l’association qui s’est fait une spécialité de la chasse à la corruption ne serait elle-même pas très nette. Rappelons juste qu’elle a été créée en 2003 par le juge Halphen et par Séverine Teissier qui réagissaient à la qualification du frontiste Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle face à Jacques Chirac. Ils avaient alors estimé, lit-on sur la fiche Wikipédia d’Anticor, «  que cette situation était la preuve d’un délitement de la République dû à un laisser-faire institutionnalisé face à la corruption de nombreux représentants des citoyens ». Anticor s’est alors donnée pour vocation de lutter contre la corruption et la fraude fiscale et, ainsi, contribuer à la démocratie représentative et à la promotion de l’éthique en politique. Depuis, les citoyens ont connu beaucoup de révélations et d’affaires. Cela rappelé, que se passe-t-il donc aujourd’hui pour que le Journal du Dimanche s’en prenne à l’association présidée par l’avocate Élise Van Beneden et par Éric Alt ? C’est que, d’abord, Anticor est agréée par le ministère de la Justice. Elle est d’ailleurs régulièrement auditionnée par le gouvernement et les ministères. Or, elle attend actuellement le renouvellement de cet agrément. Sans cela, elle ne peut se constituer partie civile dans les affaires politico-judiciaires qu’elle défend. Le gouvernement tarde à renouveler cet agrément. Il vient de repousser sa décision au 2 avril. Et voilà qu’intervient l’article du JDD qui rappelle que « la loi impose cinq conditions pour que l’agrément soit délivré ». D’après cet article, « le respect de deux de ces critères, relatifs au financement et à la transparence, pourrait être contesté ». Il s’agit de l’identité du principal donateur (que les responsables refusent de donner) et qui verse 5 000 euros par mois à l’association depuis janvier 2020. Par ailleurs, des réserves auraient été émises sur la régularité d’une partie de la comptabilité de l’association. L’auteur de l’article, Pascal Ceaux, ne s’en tient pas là. Il évoque par exemple des relations floues entre la présidente d’Anticor et le nouveau média Blast créé par Denis Robert (le journaliste qui a révélé l’affaire Clearstream) et qui a travaillé, avant d’en être éjecté, pour Le Média, la télé alors soutenue par LFI. Du coup, Anticor se retrouve accusée de politisation. Autre soupçon, l’association aurait été aidée financièrement pour enfoncer Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée. Enfin, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti estime qu’une association comme Anticor n’a pas lieu d’être et qu’il suffit de faire confiance à la justice ! Là, on commence à bien sentir l’arnaque. Faire le coup de l’arroseur arrosé à une association qui a fait les preuves de son utilité. Et, au bout du compte, laisser en paix les capitaines d’industries, la grande finance, les spécialistes de l’évasion fiscale. Provoquer la disparition d’Anticor, c’est jeter un immense pavé contre la justice, l’équité, la transparence et, au bout du compte, la démocratie.