La couverture à laquelle vous avez échappé (pour cette fois)

par Philippe Allienne
Publié le 20 novembre 2020 à 10:37

C’est l’histoire d’un joggeur dont nous tairons le nom, surpris en train de faire des foulées à plus d’un kilomètre de son domicile. Ce joggeur, que l’on appellera Monsieur le Ministre, a globalement expliqué aux médias que, s’il ne se trouvait pas à l’intérieur de son périmètre, c’était pour des raisons de sécurité. À Liberté Hebdo, nous voulons bien le croire. D’ailleurs, nous avons voulu interroger le ministre lui-même qui nous a aussitôt répondu : « ..............., d’autre part ......... Je vous remercie. » [1] Nous aurions bien voulu demander confirmation de ces propos à la police, mais les 48 heures de garde à vue (en fait une visite privée offerte par le commissariat de la ville de (...) en préalable à une interview-apéro) ont littéralement épuisé notre équipe de rédaction. C’est dommage, parce que notre photographe s’entraînait depuis une semaine à réaliser des prises de vue floues. C’est vrai, nous voulons bien faire parce que nous sommes bienveillants. Nous l’avons encore répété aux syndicats de journalistes (tous de gauche) et au Club de la presse (ramassis de gauchistes) qui se joignent à la Ligue des droits de l’homme (« droits » ? Kesako ?) pour organiser une petite causerie ce samedi 21 novembre place de la République à Lille. C’est que l’on ne peut tout avoir. Le beurre, l’argent du beurre, etc. La loi « sécurité globale » que concocte le gouvernement, c’est pour notre plus grand bien. D’ailleurs, pourquoi photographier des policiers (article 24 de cette loi) alors que les services de presse de Matignon et de l’Élysée sont à notre disposition pour illustrer nos calendriers ? Pourquoi craindre la surveillance des manifestations par drones (article 22) ? Il suffit de ne pas manifester, ainsi, pas de drones sur nos têtes. Pourquoi craindre l’usage des caméras-piétons réclamées par les policiers et défendues par le ministre de l’Intérieur ? C’est bien connu : il suffit que nous restions sages et nous ne craindrons rien. Quant à ces journalistes qui prétendent couvrir des manifestations sans se faire préalablement connaître des autorités préfectorales, quel manque de respect pour le ministre de l’Intérieur ! Une question nous taraude à ce propos : comment, ce samedi par exemple, les journalistes qui iront défendre leurs droits feront-ils pour couvrir leur propre manifestation ? Devront-ils se déclarer deux fois ? Les voilà avertis. Et comme un homme averti en vaut deux... Oui, le ministre de l’Intérieur (dont nous nous gardons toujours de dire le nom afin de protéger sa sécurité) a raison de veiller sur la police qui elle-même veille sur nous. En conformité avec les désirs du premier flic de France à qui nous voulions consacrer cette édition, nous avons flouté son visage. Et puis finalement, nous nous sommes dit qu’il valait mieux, tout simplement, ne rien dire. Voilà pourquoi, lecteurs, lectrices, vous avez échappé à cette couverture. À demain samedi 21 novembre, 11 h, à Lille sur la dalle des Droits de l’homme avec la LDH et les organisations de journalistes !

Notes :

[1Les (…) ne sont pas des propos censurés. Ils sont de l’autocensure.