Le gouvernement va-t-il appliquer sa loi sur l’encadrement des loyers ?

par Philippe Allienne
Publié le 6 décembre 2018 à 18:00 Mise à jour le 1er janvier 2019

Il est décidément très difficile de s’y retrouver dans les méandres de la communication gouvernementale. Pris dans le piège qu’il a lui-même posé, en méprisant le rôle des syndicats et en faisant la sourde oreille à leur mobilisation pour l’emploi, pour le service public, pour l’éducation, pour la justice, pour nos droits, le pouvoir macronien se retrouve face à une situation inédite. Le scénario « Gilets jaunes » le fait tanguer.

Le Premier ministre est envoyé au front tandis que le Président s’enveloppe dans un silence jupitérien. Le temps d’une nuit, Edouard Philippe se fait retoquer sur ses déclarations de la veille qui annonçaient un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants.

Le gouvernement fait surtout semblant de ne pas entendre les nombreuses autres revendications, ou propositions. Certes très hétéroclite, la liste aborde des points particulièrement intéressants comme une hausse substantielle du SMIC, un minimum vieillesse décent, une protection de l’industrie et de l’emploi, la fin d’un système inégalitaire, une limitation des loyers, etc.

Sur ce dernier point, le gouvernement a l’occasion de faire preuve de moins de rigidité en respectant simplement la loi ELAN sur le logement qu’il vient lui-même d’imposer. L’article 140 de cette loi fleuve remet au goût du jour l’encadrement des loyers dans le parc privé. Souvenons-nous : en 2014, la loi ALUR avait déjà mis en place un tel dispositif. Deux villes seulement l’avaient mise en œuvre : Paris et Lille. Fin 2017, les tribunaux administratifs y ont mis fin au prétexte qu’il fallait une extension à l’ensemble des communes d’une métropole.

Du pouvoir d’achat pour les familles

La loi ELAN reprend pourtant l’idée, en rendant le dispositif optionnel. Cela n’a pas échappé aux élus communistes, à commencer par Ian Brossat, adjoint en charge du Logement à la mairie de Paris. Un encadrement des loyers, même modeste (20 % au dessus d’un loyer de référence fixé par un observatoire local), permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux familles. A Paris, où le niveau des loyers était devenu insupportable, l’encadrement a permis une stabilisation durant deux ans. Après sa suppression, les loyers sont repartis en flèche, mettant en grand péril la mixité sociale.

Ce 5 décembre, vingt-neuf maires communistes, ainsi que l’adjoint à la maire de Paris, ont lancé un appel au gouvernement pour que cette mesure soit effective dès le début de l’année prochaine, voire dès ce Noël. C’est que, expliquent les élus, la loi ne peut s’appliquer que si le décret d’application est signé.

Or, cette signature ne serait prévue que pour février. Ce n’est pas tout, il faudra encore que les communes candidates, ou plus précisément les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, reçoivent l’accord du préfet, c’est-à-dire de l’État, qui devra publier un arrêté.

Reste, de toute façon, une application compliquée. Mais, disent les maires à l’origine de l’appel, cette application devrait tomber sous le sens au moment où le gouvernement ne sait que répondre à la demande populaire qui réclame les moyens de vivre dignement. Actuellement, un jeune couple consacre entre 25 % et 30 % de son revenu disponible pour se loger. Cela peut aller jusqu’à 50 % pour des petits salaires. Des loyers qui prennent une forme de racket.