Médailles et représailles

par Philippe Allienne
Publié le 17 juillet 2020 à 15:18

Quelle belle idée que ces médailles attribuées par Jupiter, ce 14 juillet à Paris. Celles et ceux qui ont tenu le pays au plus fort de la crise sanitaire, à commencer par les soignants, ont apprécié.

En fait certaines et certains ont vraiment apprécié ce qu’ils nomment une « reconnaissance » de leur métier et de leur engagement. Sauf qu’une médaille ne peut régler grand chose. Emmanuel Macron avait prévenu. Que celles et ceux qui n’en veulent pas ne viennent pas les chercher ! En fait elles et ils sont allés à Paris, pour la fête nationale. Mais c’était dans le but de protester, de refuser que l’on se moque d’eux, de relever les nombreuses insuffisances du Ségur de la santé, un Ségur qui oublie l’essentiel (la réforme du financement de l’hôpital notamment) et qui ne répond même pas aux revendications salariales telles qu’elles étaient posées. Mais le plus insupportable n’est pas là. Le plus insupportable est l’hypocrisie générale qui a agressé et assommé les soignantes et soignants. Les uns applaudissaient de leur balcon ou de leurs fenêtres, les autres promettaient des médailles et des augmentations.

Mais c’est à des menaces et à des sanctions qu’ont dû faire face les personnes qui ont accompagné, soigné et, dans trop de cas, vu mourir leurs patients.Il y a d’abord eu, très tôt, ces lettres de corbeaux, ces voisins imbéciles et peureux qui faisaient injonction aux infirmières de quitter leur domicile par peur de la contamination. Et puis, la fin du confinement a vu fleurir les menaces de sanctions disciplinaires contre celles et ceux qui ont affronté la Covid-19, parfois au péril de leur vie. Il ne faisait pas bon, en effet, dénoncer la pénurie de matériel (masques, surblouses, tests, etc.). Les aide-soignantes qui l’ont fait risquaient la convocation par leur direction avant sanction disciplinaire et sans enquête administrative préalable. Deux cas au moins ont été relevés en région parisienne.

De nombreux autres cas ont été révélés dans les régions. Une infirmière qui filme pour rendre compte de la gravité de la pandémie, des soignants à Rouen qui diffusent une note de la direction expliquant qu’il fallait faire sécher les masques portés afin de les réutiliser, un médecin, dans l’Aisne, qui est écarté pour avoir critiqué l’organisation, un soignant, dans les Côtes-d’Armor, transféré pour s’être exprimé dans la presse régionale. Les exemples sont nombreux.Avant le 14 juillet, une pétition a été lancée pour demander au ministère de la Santé et aux Agences régionales de santé de faire cesser ces « comportements aussi punitifs qu’inappropriés ». Les signataires seront-ils entendus ? Tout le monde a compris désormais qu’il n’y aura pas de jour d’après meilleur qu’avant. Personne ne veut que ce soit l’enfer. Le pavé n’a jamais eu autant besoin d’être battu.