Merci Madame !

par Philippe Allienne
Publié le 26 mars 2020 à 21:32

Elle avait promis d’adoucir son langage ! C’était, il est vrai, un 1er avril, celui de 2019, lorsqu’elle est devenue porte-parole du gouvernement

Sibeth Ndiaye a certes beaucoup de tempérament. Suffisamment en tout cas pour irriter toutes les professions, tous les corps de métier. Quand il s’agit du servie public, elle s’amuse encore plus. Ainsi, cette dernière sortie : « Nous n’entendons pas demander à un enseignant, qui aujourd’hui ne travaille pas compte tenu de la fermeture des écoles, de traverser toute la France pour aller récolter des fraises. »

De là à entendre que les enseignants profitent du confinement pour lambiner, fainéanter, rêvasser devant la télé, bref aller aux fraises, il n’y a qu’un pas. Mais Sibeth Ndiaye a aussitôt reculé. D’abord parce que la télévision (France 4) diffuse des cours scolaires, ensuite parce que les enseignants travaillent de chez eux, en lien avec leurs élèves pour assurer ce que l’on appelle la « continuité pédagogique ». Il en est même qui, rien que pour embêter Madame Ndiaye, travaillent dans leur établissement pour assurer la garde des enfants des personnels soignants. On peut être ministre et distraite. Ou ne pas suivre l’actualité.

Mais cessons ici l’ironie facile. Sibeth Ndiaye, il faut la remercier. C’est une personne qui a le sens de la communication. Et elle nous réveille. C’est bien elle qui nous a dit ne pas craindre de mentir pour le président. C’était une parole très intéressante. Elle l’est d’autant plus aujourd’hui quand on apprend, de la bouche de Madame Agnès Buzyn, que le tsunami du Coronavirus était prévisible et que le gouvernement le savait. Elle avait prévenu dès janvier ! Faut-il en déduire qu’il y a eu mensonge d’État ? Et que le mensonge fait partie du système de gouvernance de la macronie ? Il devient très coutumier d’affirmer qu’il y aura un avant et un après Covid-19. À entendre Emmanuel Macron lui-même, nous serons différents, nous serons meilleurs et le service public reprendra toute sa place. Cela ne veut pas dire qu’il en sera l’artisan. Surtout s’il lui faudra répondre d’un mensonge d’État.

En attendant, Sibeth Ndiaye n’a pas perdu son temps. À travers l’image très poétique qu’elle a utilisée à l’égard (ou l’encontre) des enseignants, elle nous a aussi permis de nous rappeler une réalité : le travail à la maison, pour les élèves, ne fait que renforcer les inégalités. Tous et toutes, bien-sûr, ne pourront apprendre et progresser de la même manière, en fonction de leur milieu social, et en fonction de leur psychologie. Il sera intéressant de le vérifier après la crise sanitaire. Enfin, derrière cette question du travail scolaire à la maison, la porte-parole nous fait aussi penser que le télétravail, pour les parents et les adultes en général, ce n’est pas, mais alors pas du tout l’idéal. Pour cette série de rappels essentiels, pour ce rafraîchissement de nos cerveaux, merci Madame Ndiaye, merci mille fois.