Moutons noirs et projet néfaste

par Philippe Allienne
Publié le 27 novembre 2020 à 10:53

« Heureusement qu’on a les vidéos ! » C’est Hafida El Ali, l’avocate du producteur de musique parisien qui a été sauvagement tabassé le 21 novembre par trois policiers (en présence d’autres de leurs collègues) sous prétexte qu’il ne portait pas son masque à l’entrée de son studio, qui le dit.

Sans les images prises par les caméras de surveillance (que les policiers n’avaient pas remarquées), la victime aurait sans doute été condamnée pour outrage, violence et rébellion contre les forces de l’ordre. Les policiers, qui ont été suspendus après les preuves de leur violence, ont également menti, établi un faux rapport et proféré des injures racistes à l’égard du producteur.

Ces faits se sont déroulés deux jours avant l’évacuation violente de la place de la République, à Paris le 23 novembre, qui était occupée par des centaines de demandeurs d’asile. Là encore, des vidéos ont été enregistrées. Tout cela se produit alors que le texte de loi« sécurité globale » est en passe d’être adopté par le Parlement et alors que le gouvernement, ministre de l’Intérieur en tête, répète à l’envi qu’il n’y a pas de violences policières. Les violences policières existent depuis longtemps, les policiers racistes existent, les contrôles discriminatoires (au faciès) sont une réalité qui n’a rien de neuf. Les moutons noirs sont peut-être une minorité par rapport à l’ensemble des fonctionnaires de police dont le rôle est le maintien de l’ordre et la protection des citoyens, mais on ne peut nier leur existence.

Ce faisant, il est difficile d’espérer la restauration de la confiance entre la police républicaine et une part importante des Français si rien n’est fait pour empêcher ces actes et si les sanctions demeurent rares.Les organisations de défense des droits humains réclament de longue date des mesures fortes et structurantes comme l’interdiction des armes létales durant les manifestations ou une réforme en profondeur de l’IGPN.Pourtant, le gouvernement ne va pas dans le sens de l’apaisement. Le projet de loi « sécurité globale » est là pour le prouver.Les manifestations contre ce texte se polarisent sur l’article 24 qui encadre les images faites des policiers tant par les journalistes que par les citoyens lambda.

Elles dénoncent aussi les articles 21 et 22 relatifs à l’utilisation de caméras individuelles par les policiers et à l’utilisation de caméras aéroportées, par drone notamment. Mais il ne faut par perdre de vue que le projet de loi comporte 32 articles. L’article 25, par exemple, permet à un policier portant son arme en dehors du service, de la garder dans un lieu public, c’est-à-dire en toutes circonstances. Et puis, le projet de loi fait la part belle aux compagnies de sécurité privée qui pourront par exemple constater et surveiller les images des drones. Elles seront aussi autorisées à filmer dès lors qu’un « trouble à l’ordre public » est soupçonné. Les privés pourront également retenir et verbaliser les citoyens. Tout cela aux frais de l’État. Si cette loi et ses 32 articles sont définitivement adoptés, on va donc bien plus loin qu’un encadrement pour filmer les policiers. On est aussi à mille lieux d’une police sereine et républicaine au service du citoyen.