Ne dites pas « bonne fête Madame »

par Philippe Allienne
Publié le 6 mars 2020 à 11:13

La Journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 mars, n’a rien et ne doit rien avoir à faire avec un marronnier.

Le « marronnier » (sans rapport aucun avec l’auteur d’une correction sévère et productrice de beurre noir) est, en jargon journalistique, un événement récurrent qui se reproduit chaque année, à la même date ou à la même époque, et que chaque média normalement admis du public se doit d’honorer. Exemples de marronniers : Noël (normal, si cela ne correspond pas certainement à la naissance du Christ, Noël tombe presque au la fabuleuse histoire de la pyrotechnie), la rentrée des classes (surtout en maternelle, allez savoir pourquoi...), et cætera.

Le problème que pose le marronnier au journaliste porte sur l’angle qu’il faut trouver à chaque fois. Alors, les rédacteurs en chef, pas si bêtes, transmettent le problème au stagiaire ou au dernier embauché. Il est nouveau, il porte donc un regard neuf et original. Drôle.Mais, avec la Journée internationale des droits des femmes, nous ne sommes ni dans la recherche de l’originalité, encore moins dans la drôlerie. Encore que le sujet déborde de types originaux et pas drôles mais qui s’estiment dans la normalité.

Non, la Journée internationale des droits des femmes n’est pas la « journée de la femme ».Elle n’est pas la fête des femmes. Et les femmes le savent fort bien. À quoi sert de glorifier les révolutionnairesdu 18ème siècle, Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt, Olympe de Gouges, Pauline Léon..., à quoi bon se délecter en évoquant la mémoire de Marie Curie, Joséphine Baker, Simone Weil, Anne Frank, Colette, Simone de Beauvoir, Mère Teresa, Aung San Suu Kyi... si l’on ne transmet pas, dans les écoles, leur apport dans l’Histoire ? La liste est longue pour un article, mais courte au regard de l’histoire de l’humanité.

À quoi sert d’évoquer Niki de Saint Phalle si l’on n’en retient que l’aura médiatique ? À quoi sert de glorifier la divine Frida Kahlo si l’on oublie, trois ans après, qu’un imbécile machiste pris de folie a défenestré, dans la nuit du 29 au 30 décembre, une jeune mère de famille qui s’appelait Mariama Kallo ?

Combien de féminicides chaque année qui gèlent dans les statistiques ? Quel poids de non reconnaissance pour la moitié de l’humanité ? Quel degré d’inégalité, savamment entretenu par nos « modèles » de société ? Quelle épaisseur du plafond de verre qui empêche les femmes d’accéder réellement aux responsabilités ? Quel degré d’inégalité salariale entre les hommes et les femmes ?

Ça on le sait : plus de 21 % entre un directeur et une directrice d’entreprise en France. Le « 8 mars », ce doit être toute l’année à réfléchir à l’égalité et au non-sens du sexisme et de la discrimination envers les femmes. Observez, dans les pages de cette édition, la place réelle qu’occupent les femmes dans le débat politique. Édifiant. Le 8 mars, les mecs, ne dites pas « bonne fête » aux femmes. Ou alors pensez-le tous les jours.