Une France immobile et assistée, vraiment ?

par Philippe Allienne
Publié le 8 février 2019 à 14:19

Éditorialiste chez notre confrère Les Echos, l’ex-journaliste du Monde et très macroniste Éric Le Boucher porte un regard très particulier sur le mouvement des Gilets jaunes. Selon lui, «  il ne faudrait pas croire avec la crise des ’’gilets jaunes’’ et avec la mauvaise tournure anti-ISF que prend le grand débat que la France et un pays de gens éternellement égalitaristes, immobilistes et aigris. Il ne faudrait pas, après des semaines agitées, que la politique en revienne à la conclusion chiraquienne que les Français sont des râleurs frustrés et qu’il convient de ne rien changer sinon d’accéder à leurs demandes et les assister plus encore. Il est temps de rectifier cette triste perspective  ».

Joli constat qui défend un programme politique que l’on ne connaît que trop. Car enfin, reprocher une demande d’égalité et de justice fiscale relève de la pure indécence. Comment peut-on asséner de telles « vérités » de premier de la classe alors que l’on sait que la lutte pour un pouvoir d’achat digne et pour une fiscalité qui cesse de protéger les nantis du CAC 40 est une lutte juste. D’autant que l’État et sa philosophie libérale n’a de cesse de frapper sur le crâne de ceux qui triment et voient s’éloigner l’horizon de la retraite.

Un pays n’est pas une entreprise

Pour le reste, les coups pleuvent comme la pluie en période de mousson sur un paysan indien au bord du suicide. « Immobilistes  », « aigris », « râleurs », « frustrés  » et, suprême mépris, « assistés ». Rappelons-nous de ces dernières années : code du travail par terre, régimes de retraite assassinés, salariat menacé, assurance chômage dévastée, minimas sociaux pointés du doigt (majeur haut levé bien sûr), services publics en éclats, logement social saigné, agriculture en voie de phase terminale, transition écologique entre parenthèses barbelées, éducation remodelée dans les moules libéraux, solidarité transformée en gadget pour gogos, liberté conditionnée voire conditionnelle, etc.

Les classes moyennes souffrent, les classes populaires (le prolétariat dirons-nous) crèvent, les banlieues sont tellement oubliées qu’elles-mêmes ne se souviennent plus. Alors, parler d’immobilisme, de refus de se réformer, de refus d’évoluer et de demeurer emmitouflé dans l’assistanat, relève tout simplement du mépris de classe.

Mais l’éditorialiste - c’est son droit après tout - s’érige en découvreur et défenseur d’un capitalisme en pleine renaissance avec une majorité de jeunes Français qui ont la foi en la création. Mais que l’on ne s’y trompe pas. La France macronienne, selon lui, ne se résume pas à une armée de start-ups. Non. « L’insee, écrit-il, dénombre 392 grands groupes qui emploient 3,9 millions de personnes. Ce capitalisme du CAC 40, pour résumer, est de première qualité depuis les années 1990. Les champions français ont des positions excellentes sur leurs métiers, leurs salariés sont bien payés  ». Et de citer le directeur général de la Banque publique d’investissement : « Comme une entreprise, un pays ça se réveille ».

Tout cela pour en arriver à cette conclusion que les gilets jaunes sont de marginaux qui aveuglent la France ! Sauf qu’un pays n’est pas une entreprise.