Une marche juste et digne pour l’égalité sociale

par Philippe Allienne
Publié le 9 octobre 2020 à 11:13

Voilà un quart de siècle que celles et ceux que l’on appelle les « sans-papiers » ont choisi de sortir de l’ombre et de la clandestinité où cette société de l’apparence les avait reclus. Dans le Nord, et à Lille plus précisément, le CSP 59 n’a de cesse de se battre. Si l’on excepte la récente période de confinement, il n’est pas un mercredi sans que ses membres se retrouvent sur la place de la République de Lille, sur le parvis des Droits de l’homme, pour un face à face avec l’État, ici symbolisé par la préfecture. Chaque lundi, elles et ils se réunissent en assemblée générale pour préparer leurs actions et peaufiner leurs cahiers de revendications. Ce que veulent ces personnes est simple : une vie normale, avec un emploi et un salaire décent, un logement digne, une existence paisible et exemptée de la peur du policier, de l’interpellation, du placement en centre de rétention avant le retour forcé au pays d’origine. Pour cela, il leur faut des papiers leur permettant de réaliser leur projet de vie en France. Les critères qu’on leur reproche de ne pas réunir, elles et ils les ont pourtant. Ce sont des qualités humaines, des personnalités parfois hors du commun, des parcours et des histoires qui ne peuvent qu’enrichir notre société. Or, on leur demande de prouver leur volonté d’intégration alors que l’on refuse de reconnaître non seulement leurs compétences professionnelles, mais aussi leur humanité tout entière. Autant de « critères » qu’ils ont su montrer durant le confinement en aidant les personnes isolées, en participant aux distributions de repas pour les plus précaires qu’eux, en aidant les étudiants esseulés, en participant aux dons du sang.

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Alors, oui, cette marche de solidarité qui mène actuellement quelques dizaines d’entre eux de Lille à Paris, aux côtés des demandeurs d’emploi, est une marche digne, est une marche juste. Il n’est que des fascistes étriqués du bulbe pour qualifier cette action d’illégale parce qu’elle porterait atteinte à la Constitution de la République. Il fallait bien qu’un édile, parmi les dizaines de communes traversées par les sans-papiers et les sans-emploi, se distingue par des allégations fondées sur la haine. Les marcheurs et les marcheuses portent un masque et respectent les gestes barrière. Les revendications qu’elles et ils portent méritent le respect. De cela, le maire d’Hénin-Beaumont ignore le sens. Il ignore aussi le sens de l’Histoire quand les aïeuls de celles et ceux qui s’exilent dans notre pays ont défendu, et souvent payé de leur vie, ce même pays. Il ignore le sens de l’Histoire en oubliant celles et ceux qui, entre 1940 et 1945, se sont réfugiés à Londres, à Moscou, à Brazzaville ou à Alger pour fuir et combattre la peste brune. Il n’y a après tout de sans-papiers que ceux que l’on « fabrique » de toutes pièces afin de satisfaire aux exigences d’un monde égoïste répondant aux exigences de la finance et bâti sur les ruines des pays exploités par les États coloniaux et sur le sang et les cadavres de celles et ceux que l’on appelait « indigènes ».