Disparition d’Amath Dansokho

Une conscience africaine s’est éteinte

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 30 août 2019 à 20:48 Mise à jour le 8 février 2021

Figure historique de la gauche sénégalaise et africaine, grand intellectuel communiste , Amath Dansokho est né le 13 janvier 1937 à Kédougou dans un pays sous la férule de la colonisation française. C’est au lycée Faidherbe de Saint Louis où jeune interne, il conduira sa première grève en refusant de voir servir du riz charançonné aux repas.

Comme le rappelle l’Humanité, six décennies plus tard, en 2012, à la veille des élections présidentielles, « on le retrouve appuyé sur sa canne manifestant dans les rues de la capitale sénégalaise » contre le régime corrompu d’Abdoulaye Wade et pour l’union des démocrates autour de la candidature de Macky Sall.

Il sera la cheville ouvrière du programme progressiste porté avec succès par ce dernier. « Nous l’appelons Mandela parce qu’il est, pour nous Sénégalais, à ce niveau-là  », déclarait l’actuel président sénégalais, qui l’avait nommé au rang de ministre d’État. Lycéen rebelle, Amath Dansokho dira que son premier modèle fut Léopold Sédar Senghor, grand intellectuel, poète, dont il admire le « savoir exceptionnel », mais dont il conteste la politique pour une indépendance en trompe-l’œil. Passionné par la Révolution française, il dira aussi que la lecture de Fils du peuple de Maurice Thorez, responsable du PCF, a orienté son parcours vers un communisme de combat. Il restera très lié à ce parti politique français.

L’école de l’exil

En 1959, dans une période où l’idée est répandue que l’indépendance nationale se conquiert surtout par les armes, il est accusé d’avoir participé avec le PAI (Parti africain de l’indépendance) dont il est membre, à une tentative d’insurrection à Saint-Louis du Sénégal.

Le PAI est interdit. Après avoir été arrêté, Amath Dansokho est contraint à l’exil. Il durera treize ans au cours desquels il participera à la Tricontinentale et sera au contact direct de tout ce que le monde compte d’activistes de la paix et d’acteurs des luttes d’indépendances et sociales. Il y forgera la réputation d’être une conscience éclairée, profondément démocrate et un diplomate averti. Cette notoriété le conduira à devenir non seulement un acteur majeur de la politique sénégalaise mais aussi un des grands médiateurs dans une Afrique trop souvent en proie aux conflits.

En 1978, de retour dans son pays, il cofonde le Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT). Il est à nouveau à la pointe des batailles sociales et politiques. Il s’oppose au clientélisme du président Diouf dont il précipitera la chute au profit d’Abdoulaye Wade qu’il soutient sur la base d’un programme réformateur.

Rassembler les patriotes et la gauche sénégalaise

Il accepte de prendre part au gouvernement de celui-ci. Mais, défenseur des seuls intérêts du peuple sénégalais et définitivement incorruptible, il en sera un aiguillon vite insupportable et gênant au point d’être écarté. Dans l’opposition, il rassemblera de larges forces démocratiques conduisant à la défaite de Wade et à l’élection de Macky Sall. La disparition de cet intellectuel communiste et homme d’État a un retentissement pro- fond au-delà du Sénégal. En France, le PCF par la voix de Fabien Roussel, souligne « sa personnalité éminente et sa volonté permanente à rassembler les patriotes et la gauche sénégalaise pour faire face aux défis. » De son côté André Chassaigne, président du groupe Démocrate et Républicain à l’Assemblée nationale, salue « le défenseur indéfectible des droits de l’Humain ». Enfin, Patrice Bessac, maire de Montreuil et président de l’Anecr, rappelle qu’Amath Dansokho, qu’il reçut dans sa ville, « fut un élu de terrain, maire de Kedougou où il a mené un combat difficile mais efficace pour l’égalité, cœur battant de son engagement politique. »

Ses obsèques ont eu lieu dimanche 25 août à Saint Louis du Sénégal en présence du gouvernement et de nombreux responsables d’États africains. Le chef de l’État sénégalais, Macky Sall a salué « un grand combattant de la liberté, de la démocratie et du progrès des peuples. »