Condamnation de Khaled Drareni à deux ans ferme

Le Club de la presse ouvre le débat

par Philippe Allienne
Publié le 18 septembre 2020 à 15:59

Le journaliste algérien Khaled Drareni a été condamné le 15 septembre par le tribunal d’Alger à deux ans de prison ferme. Son principal tort : avoir couvert les manifestations du mouvement populaire. À la veille du jugement, le Club de la presse des Hauts-de-France avait organisé un débat sur la répression des journalistes algériens à l’Espace Marx de Lille-Hellemmes

Plus de 600 personnes ont suivi le débat qui était retransmis en direct via Facebook. C’est dire si le thème préoccupe de nombreux Algériens et ressortissants. Pour évoquer le cas de Khaled Drareni, le Club avait invité Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières, le journaliste Abderrahmane Hayane (notre photo), réalisateur du documentaire La Révolution 2.0 (voir ci-dessous) sur le mouvement Hirak, en Algérie. Via des liaisons internet ou téléphoniques, l’échange s’est également déroulé en présence d’Omar Belhouchet, directeur du quotidien El Watan depuis sa création en 1990 jusqu’à son départ en retraite l’an passé, et le correspondant de RSF en Tunisie. Pour Khaled Drareni, correspondant de TV5 Monde et de RSF, et dirigeant du site d’information Casbah Tribune, les ennuis ont réellement commencé le 7 mars dernier, à Alger. Ce jour-là était celui de la 54ème manifestation du Hirak, le mouvement populaire né un an plus tôt contre la candidature du président Bouteflika à sa réélection, puis pour réclamer la fin du système politique en Algérie. Le journaliste a été arrêté et incarcéré au centre pénitentiaire de Koléa. Jugé le 3 août, soit après cinq mois d’emprisonnement, il a dû suivre son procès par visioconférence. Il a été condamné à trois ans de prison, ferme. Deux autres figures du mouvement ont écopé de deux ans de prison dont quatre mois ferme. Ils sont libres aujourd’hui.

Un pouvoir aux abois

« Je n’ai rien à me reprocher », a toujours clamé Khaled Drareni. En fait, les autorités lui reprochent d’avoir publié des communiqués appelant à la grève générale, d’avoir fait connaître son aspiration pour la liberté de la presse, d’avoir porté atteinte à l’unité nationale et de collaborer avec un média étranger, en l’occurrence TV5 Monde. « Le soupçon d’espionnage et de la main de l’étranger est récurrent chez nos dirigeants », constate Abderrahmane Hayane. Qu’à cela ne tienne. Le journaliste de 40 ans a fait appel du jugement du 3 août. Il a été rejugé le 29 août et assisté par un collectif de 40 avocats. Cette fois, il a été admis à se déplacer au tribunal. Malgré l’optimisme affiché de ses proches et des avocats interviewés alors, il a été condamné à deux ans ferme. Pour Omar Belhouchet, cela révèle à quel point le « pouvoir algérien est aux abois ». Il ne se rend pas compte qu’il lui est impossible de cacher au monde la réalité du pays et son incapacité à écouter le peuple. « Le président Tebboune, arrivé au pouvoir en décembre dernier, est pire que son prédécesseur », lâche Abderrahmane Hayane. À voir le documentaire d’Abderrahmane Hayane (voir ci-dessous), il est pourtant difficile de croire que le peuple, si nombreux, si déterminé et si pacifique dans les manifestations, ne puisse avoir le dernier mot. À moins que le pouvoir ne choisisse définitivement la répression. Le documentariste appelle de ses vœux la fin de la crise sanitaire pour une reprise du mouvement. En France, le Club de la Presse de la région et RSF mettent en œuvre des actions de soutien pour Khaled Drareni.

ALGERIE : REVOLUTION 2.0