Union européenne : posons les questions de fond

Par Vincent BOULET, responsable aux questions européennes du PCF

Publié le 28 août 2020 à 13:30

1. La crise profonde de la mondialisation capitaliste accélérée par la crise de la Covid-19 montre, s’il fallait encore s’en convaincre, que la construction libérale capitaliste de l’UE, dont les fondements actuels sont et restent intrinsèquement liés au libre-échange et au mépris de la souveraineté démocratique des peuples, ne peut pas répondre aux grands enjeux pour les peuples et les nations d’Europe. On en a la démonstration si l’on considère trois des grandes questions immédiates qui En dépit de la grande dramaturgie qui a entouré le sommet des chefs d’État et de gouvernement des 17-20 juillet derniers, le fameux « plan de relance » ne rompt pas avec les fondements libéraux de l’UE. Certes, il inclut un début de mutualisation des dettes et de transferts financiers vers les États les plus touchés par la crise. Mais il s’agit, de la part des classes dirigeantes européennes, allemandes en particulier, d’un bouger tactique, et non d’un bouleversement stratégique. D’abord parce que le montant de 750 milliards d’euros est insuffisant, bien en deçà par exemple de la demande du Parlement européen de monter l’enveloppe à 2 000 milliards. Ensuite parce que la part de l’endettement se chiffre à 48 % du montant total et que l’emploi des aides est conditionné par une surveillance du conseil des chefs d’État et de gouvernement, certes moindre que ce que souhaitaient les conservateurs, mais qui renforce la mise sous tutelle des États envers d’autres États de l’UE. En outre parce que les plus libéraux de l’UE, tels que la droite néerlandaise et autrichienne, se remboursent par une augmentation du « rabais » de leur contribution ; parce que rien n’est fait pour lutter contre l’évasion fiscale, dont profitent les Pays-Bas et d’autres, alors que les sommes qui pourraient être redirigées pour le bénéfice des peuples sont bien plus importantes que celles dont on parle ici ; parce que l’emprunt sur les marchés financiers, même avec la « couverture » de l’UE, renforce la soumission de l’économie aux intérêts de ces derniers ; parce qu’in fine et en résumé les risques de renforcement du fédéralisme austéritaire sont patents. Enfin parce que le budget pluriannuel 2021-2027 est très inquiétant : le fonds pour la transition écologique, déjà soumis au semestre européen, est diminué des deux tiers, l’aide pour le programme de santé européen disparaît purement et simplement, la PAC diminue de 10 % et ainsi de suite.

2. Le sommet des chefs d’État et de gouvernement du 19 août sur la politique étrangère de l’UE est une nouvelle illustration du « deux poids, deux mesures ». Avec d’un côté une ingérence flagrante dans les affaires intérieures biélorusses dans la lignée de ce que cherche à faire l’OTAN, le gouvernement américain et ceux d’Europe de l’Est, ainsi que de la volonté des libéraux-nationalistes biélorusses qui veulent imposer au pays une thérapie de choc néolibérale ainsi qu’un alignement atlantiste, sans prise en compte de la volonté du peuple biélorusse, dans son ensemble, de développer la souveraineté politique, démocratique, sociale et économique du pays. Et d’un autre côté, la paralysie face aux agressions d’Erdogan en Méditerranée orientale contre les zones économiques exclusives grecque et chypriote, alors que l’OTAN, suite aux incidents militaires graves qui ont émaillé l’été, semble donner le point au Premier ministre turc.

3. Tout cela fait oublier le Brexit, qui est cependant plus que jamais d’actualité. Les négociations entre l’UE et le gouvernement conservateur britannique sont totalement enlisées et le spectre d’un Brexit sans accord au 31 décembre 2020, à la fin de la période de transition, est à nouveau présent. Cela aurait des conséquences dramatiques, entre autres dans le domaine de la pêche. Si les pêcheurs français n’ont plus accès aux eaux territoriales britanniques, cela représenterait une menace vitale sur les milliers d’emplois concernés. Le gouvernement français doit entendre les revendications des pêcheurs et agir dans leur sens. En outre, un Brexit sans accord. ouvrirait une menace sur l’Irlande et les accords de paix de 1998. Le succès électoral du Sinn Féin aux élections législatives en Irlande du Sud en février dernier montre que l’exigence du peuple irlandais pour une République sociale irlandaise reste entière. Elle doit être soutenue. Ces trois éléments prouvent que la construction libérale de l’Union européenne, telle qu’elle a été conçue depuis l’Acte Unique de 1986 et le traité de Maastricht de 1992, dominée par les traités actuels et par le semestre européen, n’est pas un espace de coopération et de solidarité entre les peuples et que cette dimension n’est pas réformable. Or, le problème est bien une question de fond et de logique d’ensemble. C’est donc une question de luttes de classe. La perspective d’une union des peuples et des nations libres, souveraines et associées, à géométrie choisie, est plus que jamais d’actualité. Cela signifie concrètement qu’aucune nation ne peut se voir imposer une norme économique et sociale qu’elle récuse : et c’est bien le problème avec les traités européens. Au contraire, les peuples européens doivent être démocratiquement souverains sur les coopérations concrètes à établir en Europe. Les enjeux impérieux de la période historique qui s’ouvre en indiquent quelques-uns : les relocalisations des industries stratégiques pour l’emploi et la transition écologique, la santé et l’accès libre et gratuit aux soins et aux vaccins, la lutte pour endiguer la crise climatique, la dette, la sortie de l’OTAN, la coopération et la sécurité collective, hors OTAN, en Europe, le rôle et le fonctionnement de l’Euro comme monnaie commune.C’est un pacte social et démocratique entre les peuples d’Europe qu’il faut mettre en débat, en lieu et place des règles austéritaires européennes. Nous avons des alliés en Europe pour porter ces exigences, communistes, progressistes, de la gauche européenne. Nos propositions de réorientation des missions et des financements de la BCE, ou de conférence pan-européenne pour la sécurité collective vont dans ce sens. La campagne européenne Right2Cure pour un vaccin gratuit [1] également. Tous ces éléments sont une base pour renforcer le rapport de forces contre les classes dirigeantes européennes et contre les tentations xénophobes et ethnicistes.