Élections américaines

Biden : Ce qu’il va faire et ne pas faire

par Philippe Allienne
Publié le 13 novembre 2020 à 13:02

Nous revenons, avec le concours de Pierre Guerlain, ex-professeur de civilisation américaine à l’Université Paris-Nanterre, sur l’élection du président des États-Unis et sur les perspectives de son mandat.

Si le président sortant Donald Trump refuse de reconnaître sa défaite, le candidat démocrate Joe Biden sera le 46ème président des USA et prendra ses fonctions après son investiture le 20 janvier prochain.Selon un sondage Ipsos/Reuters, publié le 11 novembre, près de 80 % des Américains, dont plus de la moitié des Républicains, reconnaissent le président élu Joe Biden comme le gagnant des élections. Pour autant, il n’a pas la majorité au Sénat où deux sièges sont encore en jeu en Géorgie. L’élection n’aura lieu que début janvier. Au mieux, sénateurs républicains et démocrates seront à 50/50, avec la voix prépondérante de la vice-présidente Kamala Harris. À la Chambre des représentants, les démocrates ont perdu des sièges.

Quid du premier amendement ?

Partant de ces éléments, comment la politique de Joe Biden va-t-elle se dessiner ? « Sans surprise, constate Pierre Guerlain, l’équipe de transition qu’il constitue comporte beaucoup de personnes liées aux grandes entreprises ou financées par le secteur de l’armement. Sur 23 membres, 8 ont un lien avec le complexe militaro-industriel américain. D’autres sont favorables à la remise en cause du Premier amendement garantissant la liberté d’expression parce qu’il est considéré comme trop favorable aux réseaux sociaux accusés d’être infiltrés par les Russes. » S’il est fort d’environ 4 millions de voix d’avance sur son adversaire, Biden a été élu dans des États clés avec des voix de personnes bien plus à gauche (pro-Sanders ou Black Lives Matter). Il s’agissait de défaire Trump. Mais au bout du compte, le vainqueur s’apprête à faire ce qu’a fait Trump avant lui (en trahissant son électorat ouvrier), c’est-à-dire qu’il va faire une politique qui n’a rien à voir avec les aspirations de ceux qui sont en bas de l’échelle sociale.

« Ainsi, estime Pierre Guerlain, le ressentiment de ceux qui avaient voté Trump parce qu’ils avaient perdu leur emploi, et parce qu’ils étaient victimes de la mondialisation et de la robotisation, avec une assurance chômage déficiente, ne va pas disparaître. Sauf à conduire une politique économique proche des idées de Sanders. » Ce n’est pas ce qui se profile. Autre signe d’inquiétude : alors qu’environ 70 % des Américains (y compris des partisans de Trump) souhaiteraient une assurance santé universelle, Biden ne semble pas vouloir aller en ce sens.

International : un risque pour l’Iran

Sur le plan international, poursuit l’universitaire, on peut s’attendre à un retour dans l’Organisation mondiale du commerce (le départ de Trump n’était qu’un coup politique) et à de meilleurs sentiments sur l’environnement. Mais Biden est pour la fracture hydraulique. Peu de choses devraient changer en matière de relations internationales. Une question demeure posée en ce qui concerne le blocus contre Cuba. Politiquement, sa levée serait possible pour favoriser les relations économiques. Mais là encore, le schéma annoncé n’y est pas favorable. On, sait que le 46ème président emboîte le pas de son prédécesseur sur le Venezuela et on peut avoir des craintes quant à une tentative de déstabilisation de la Bolivie.