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L’Union européenne doit-elle accueillir l’Ukraine ?

par Jean-François LE DIZES
Publié le 1er juillet 2022 à 13:39

Suite à l’agression de l’Ukraine par la Russie, le Conseil européen a décidé de retenir dans la précipitation les candidatures de ce pays et de la Moldavie à l’Union européenne (UE). Si, dans la situation actuelle, nous devons soutenir économiquement et militairement l’Ukraine, la faire adhérer à l’UE est-il le meilleur moyen ?  En effet avant de poursuivre son ouverture à l’Est, l’Union européenne doit faire le bilan de l’adhésion de tous les pays de l’Est-européen depuis 2004.

Où en est l’Europe sociale ?

L’absence de politique sociale européenne incite les entreprises à délocaliser vers les pays à bas coût salarial, c’est-à-dire vers ces pays de l’Est. En effet en 2016, à l’exception de la Slovénie, tous ces pays issus des régimes communistes avaient un coût du travail inférieur à ceux de l’ensemble des autres pays de l’UE. Par exemple, en Pologne, il était trois fois moindre qu’en France. Certains pays européens n’ont même pas de salaire minimum. Celui-ci, pour les pays qui en ont un, voit son échelle aller de un à sept. En tant que président de l’UE, Emmanuel Macron s’était donné comme objectif l’instauration d’un salaire minimum européen, il a complètement échoué. En effet, la réunion du Conseil européen du 7 juin consacrée à cette question n’a nullement établi un chiffre concernant un salaire minimum européen. Ce qui est vrai pour les salaires l’est également pour toutes les lois sociales.  Lors de mon récent voyage en Hongrie, j’ai pu entendre que c’est, entre autres, par l’instauration d’une forte flexibilité du travail que le président Orban a, durant les années 2010, attiré les industries automobiles électriques allemandes et l’industrie pharmaceutique française.

Où en est l’Europe fiscale ?

De même, l’absence d’Europe fiscale incite les entreprises à délocaliser vers les pays taxant le moins leurs bénéfices. Or, encore en 2021, ce sont dans les anciens pays communistes que les impôts sur les bénéfices des entreprises sont en général les plus faibles. Ainsi, 55 % des entreprises de plus de 50 salariés qui ont, depuis la France, délocalisé, entre 2009 et 2011, l’ont fait vers un pays européen. Pour attirer les entreprises vers lui, chaque pays de l’UE a tendance à réduire les avantages sociaux des salariés et à pratiquer une course au moins-disant fiscal.  Ainsi de 1995 à 2021, tous les pays de l’UE, sauf la Lituanie et Malte, ont baissé leur taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises.  Ce qui a pour conséquence notamment la détérioration des services publics.

Pression européenne

En Ukraine, le salaire minimum mensuel est de 6 500 hryvnia, soit 208 euros.  Autant dire que si l’Europe sociale reste aux abonnés absents, l’adhésion de l’Ukraine à l’UE provoquera des délocalisations vers ce pays. Certes, l’adhésion des pays de l’Est-européen à l’UE a des côtés bénéfiques, notamment celle de l’ouverture des frontières aux personnes. Mais pour qu’elle le soit globalement, il faut que le traité de Lisbonne, qui exige l’unanimité en matière sociale et fiscale, soit remis en cause. Comment aider économiquement l’Ukraine ? En finançant sa reconstruction par un impôt européen sur les transactions financières, impôt qui est depuis des années dans les tiroirs !