Comment parvenir à éliminer les féminicides ?

par Philippe Allienne
Publié le 12 juillet 2019 à 17:14

Le 6 juillet, une femme a été étranglée des mains de son compagnon, à son domicile dans la région parisienne. Elle était la 75 ème victime, depuis le début de l’année, à mourir ainsi des suite de violences conjugales. Les associations féminines ne veulent plus entendre l’excuse du « crime passionnel » qui atténue l’homicide.

« Homicide volontaire d’une femme »  : c’est la définition que donne l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du terme « féminicide ». Ce mot, employé pour la première fois au début des années 90 par les sociologues et féministes Jill Radford et Diana Russell veut nommer la réalité de ces femmes tuées parce qu’elles sont des femmes, le plus souvent par leur conjoint, leur ex-conjoint ou leur compagnon. Selon les derniers chiffres que la Délégation aux victimes (directions générales de la police et de la gendarmerie) a remis au ministère de l’Intérieur, 121 femmes ont été tuées en 2018 (sur 149 victimes de violences conjugales). Elles étaient 130 un an plus tôt et 123 en 2016. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, l’an passé, trois femmes sont mortes dans chacun de ces départements.

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Informer au travail

Le 30 mai 2019, place de la République, plusieurs associations féminines ont organisé un die-in pour protester contre les féminicides.Le 30 mai 2019, place de la République, plusieurs associations féminines ont organisé un die-in pour protester contre les féminicides.
© (photo Ph.A/Liberté Hebdo)

Le XXe siècle se termine. Ex-présidente du Cidff Lille [1] et administratrice de la Mutuelle nationale des fonctionnaires des collectivités territoriales (Mnfct), Martine Bacon est partagée entre désarroi et colère. « Ce n’est pas la peine de compliquer ou d’intellectualiser ce type de comportement, dit-elle à propos du terme « féminicide ». On parle bien de meurtre ou d’assassinat. Les auteurs doivent réparer. Ce n’est pas un bracelet électronique qui va régler les choses en amont. Et lorsque le pire est arrivé, c’est à eux qu’il revient de réparer. Pas à la collectivité. Mais pour elle, il est essentiel d’agir dès l’école en formant les enfants à des relations saines et en se battant contre la reproduction par les familles des vieux schémas qui conduisent au sexisme. A l’autre bout de la chaîne, il y a le milieu professionnel. En 2007 déjà, elle alertait les ressources humaines de la mairie de Lille sur les difficultés que vivent certaines salariées qui « peinent à accomplir leur travail dans de bonnes conditions parce qu’elles subissent des violences morales et physiques dans leur vie privée ». Elle avait alors demandé que ces personnes soient efficacement informées de leurs droits et des moyens mis à leur disposition au sein de la mairie. Plus récemment, la SNCF a sollicité la juriste Cidff de Lille pour effectuer un travail sur les violences faites aux femmes dans le privé. « Ces violences conjugales affectent leur travail, mais les victimes n’osent pas parler de peur d’être sanctionnées dans leur évolution de carrière. Elles craignent qu’une personne perturbée ne puisse obtenir une promotion ». Concernant la gestion au quotidien, Martine Bacon déplore pour l’avoir vécu que, faute de moyens, il n’y a pas de permanence après. 17 h. "Comment font les femmes en détresse si l’on ne peut pas les recevoir" demande-t-elle. De la même façon, elle estime que des "moyens d’urgence de déplacement vers le commissariat et le CHR doivent être mis en place."

Réseau contre les violences

Parmi les nombreuses associations qui se battent pour la prévention des violences conjugales, l’association Louise Michel, à Villeneuve d’Ascq, a mis en place un réseau de lutte contre les violences au sein du couple. Il est opérationnel depuis 2010 et regroupe de nombreux acteurs comme l’Unité territoriale de prévention et d'action sociale, le commissariat de la ville, la mairie, le CCAS, la maison des médiations, etc. L’an dernier, il a participé à l’organisation de la 7ème campagne du « ruban blanc », le symbole international de l’élimination des violences faires aux femmes. La directrice, Sandrine Ballonet est devenue référente départementale. « Il est essentiel, explique Brigitte Noël, vice-présidente de l’association, que les professionnels au contact des victimes, comme les policiers et les magistrats, fassent plus confiance aux référents et puissent ainsi mieux évaluer les situations qui se présentent. Notre souci est de répondre au plus vite aux situations de violence. Si l’on forme les juges, ils seront amenés à rendre davantage et plus rapidement des ordonnances de protection. Actuellement, les délais sont trop longs : de trois semaines à un mois. ».

Notes :

[1Centre d’information sur le droit des femmes et des familles