Santé

Virus mutants : de quoi parle-t-on ?

par Marc DE LANGIE
Publié le 29 janvier 2021 à 11:02

Coronavirus, mutants du Royaume-Uni, d’Afrique du Sud ou encore du Brésil : la période actuelle interroge. D’autant que les mutations pèsent sur la société et inquiètent la population.

L’hypothèse de mutation d’un virus n’est pas nouvelle. Tous les virus peuvent muter. L’exemple type est celui de la grippe dont le virus évolue en permanence. Cela s’explique par des phénomènes de « glissements antigéniques », c’est-à-dire des mutations des gènes entraînant des modifications mineures. Ces glissements sont responsables des variations saisonnières du virus de la grippe. Le cas de la Covid-19 n’échappe pas à cette règle. Ce virus a bien démontré sa capacité à fortement perturber le fonctionnement de nos sociétés. La question qui se pose est de savoir s’il peut encore évoluer et engendrer d’autres problèmes. Déjà, « le virus qui circule actuellement n’est plus tout à fait le même que celui détecté en janvier 2020 », explique Sylvain Gandon, chercheur au CNRS de Montpellier [1].

Effets délétères des mutations sur le virus

On assiste bien à une mutation du coronavirus. « Plusieurs dizaines de mutations du SARS-CoV-2 ont été décrites sans que des conséquences sur l’épidémie aient été mises en évidence » soulignent Anne Goffard (virologue à l’Institut Pasteur) et Marie-Paule Kieny (directrice de recherche à l’Inserm) [2]. En effet, ces mutations sont silencieuses, elles ne modifient pas les protéines produites par le virus. Et « si par hasard, pour Sylvain Gandon, ces mutations modifient les protéines, on peut s’attendre à ce qu’elles affectent le succès de reproduction du virus. La plupart des mutations ont des effets nocifs sur lui ». Dans le cas du SARS-CoV-2, « il est raisonnable de penser que ce nouveau virus est encore loin de son optimum » indique-t-il. Certaines mutations pourraient bien avoir des effets propices à l’adaptation du virus, mais qui se révéleront également nuisibles pour les humains. Rien d’étonnant à ce que la situation actuelle suscite l’intérêt de nombreux virologues, épidémiologistes, médecins, chercheurs et scientifiques. L’objectif : réussir à interpréter ces nouvelles mutations et évaluer leurs implications cliniques. Il est connu que la plupart de ces mutations ont des effets délétères sur le virus. Dans de nombreux cas, elles peuvent même être létales pour le virus et bloquer sa capacité à se répliquer. Cependant, certaines mutations peuvent également rapprocher le virus de son optimum et augmenter son adaptation.

Le virus n’a pas tout révélé

L’Inserm indique que plusieurs mutations du SARS-CoV-2 ont fait l’objet de travaux plus poussés et publiés dans des revues scientifiques. C’est le cas de la mutation D7614G, au niveau de la protéine Spike du virus. Cette mutation s’est largement diffusée et est rapidement devenue dominante parmi les isolats (les entités isolées) de virus circulants. Certaines études, publiées par la suite, montrent que cette mutation a eu pour effet de rendre le virus plus facilement transmissible. Les scientifiques poursuivent leurs études (en Europe et aussi en Asie) et il manque encore beaucoup de données pour étayer les différentes hypothèses d’évolution du virus. Ainsi, les liens entre la transmissibilité du virus en matière de sévérité de l’infection et la mortalité sont loin d’être clairs. À ce jour, il n’y a pas suffisamment d’éléments pour dire que certaines mutations rendent le virus capable de provoquer une maladie plus grave. La progression de la pandémie permet de suivre à la trace les changements de la composition génétique du virus au fur et à mesure de sa propagation grâce aux analyses du génome. Ces données aident à formuler des scénarii pour comprendre et prédire la dynamique de l’adaptation du virus. Dans le cas actuel de la Covid-19, Sylvain Gandon appelle à une certaine prudence dans les prédictions que l’on peut faire. « Il est important de continuer à se donner les moyens de suivre l’évolution du virus à l’aide du séquençage. » Sur ce point, il ajoute que la France n’est pas en avance et qu’il reste beaucoup à faire pour systématiser le séquençage et faciliter l’accès aux données génomiques. Certains scientifiques déclarent qu’il ne faut pas s’inquiéter de l’apparition de nouvelles mutations. Le virus n’aurait peut-être pas révélé tous ses secrets. Sur une note plus positive, il est intéressant de regarder les contextes épidémiques tels que ceux de la grippe, de la polio, où les virus responsables ont fini par aboutir à une atténuation de leur virulence. Tous espèrent qu’il en sera ainsi pour l’épidémie de la Covid-19.

Lire aussi : Les variants connus à ce jour.

Notes :

[1Sylvain Gandon, chercheur au CNRS de Montpellier, auteur de « Faut-il s’inquiéter de l’évolution du SARS-CoV-2 ? » publié dans La vie des idées, le 5 janvier 2021.

[2Anne Goffard est virologue au Centre d’infection et d’immunité de Lille (Inserm/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille/CHU de Lille) et Marie-Paule Kieny est directrice de recherches à l’Inserm (Institut de santé et de la recherche médicale). Texte publié sur le site de l’Inserm dans la rubrique « Canal détox ».