Emmanuel Macron rattrapé par le front social

par Mathieu Hébert
Publié le 8 novembre 2018 à 16:58 Mise à jour le 1er janvier 2019

Il parcourt l’est et le nord de la France dans le cadre d’une « itinérance mémorielle » pour commémorer le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Mais Emmanuel Macron est confronté sur le terrain aux multiples colères sociales sur le pouvoir d’achat ou l’emploi. Politiquement, cette itinérance n’est pas sans frais.

Des manifestants, à Maubeuge le 8 novembre, dénonçant la politique pro-riches d’Emmanuel Macron.

Strasbourg, Verdun, Reims, Notre-Dame-de-Lorette, Péronne, Compiègne... De l’est de la France à la clairière de l’armistice en passant par l’ancien front de l’Artois, Emmanuel Macron aura effectué une « itinérance mémorielle » de sept jours jusqu’à la veille du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale le 11 novembre 1918. Au cours de cette tournée, il a visité plusieurs lieux emblématiques de la guerre de 14-18 et enchaîné les rencontres avec les chefs d’Etat ou de gouvernement d’Allemagne, du Royaume-Uni et du Mali. Il s’agissait pour lui de raviver la flamme du souvenir, multipliant les gestes mémoriels, mais aussi de reprendre de la hauteur après un été marqué par la polémique sur son ancien conseiller de sécurité et la colère qui monte contre les mesures du gouvernement en matière de fiscalité, de pouvoir d’achat et d’emploi.

Las, c’est sur le front social, justement, que le président de la République était le plus attendu. « Il y a deux dimensions dans la visite du président de la République. Une dimension mémorielle, c’est important pour la Région Hauts-de-France. Une dimension politique, et là, j’attends de voir  », résumait Xavier Bertrand, président de Région, le 8 novembre, au lendemain de la signature d’un Pacte de réussite pour la Sambre-Avesnois-Thiérache, promesse de quelque 80 millions d’euros pour le territoire, dont 39 au titre du Contrat de transition écologique (CTE).

« Macron, fais payer les riches ! »

Pour les communistes de l’agglo de Maubeuge, où Emmanuel Macron était ce 8 novembre, la dimension politique du déplacement présidentiel, c’est tout vu ! « Macron, fais payer les riches ! », « sécurisons les travailleurs, pas les actionnaires », « exigeons la baisse des taxes sur les carburants  », disent leurs tracts. 20 000 distribués en quelques jours « Nous avons rencontré un bon accueil de la part de la population  », dit Sofiane, militant PCF.

A coups de centaines de millions d’euros d’aides publiques, les multinationales massacrent l’emploi, dégradent les conditions de travail, délocalisent… Le dossier Ascoval/Vallourec en est l’exemple le plus criant.

La CGT, qui appelait avec d’autres organisations, dont le PCF, à une manifestation lors de la venue d’Emmanuel Macron, dénonce «  le laminage du service public et de la Sécurité sociale, la déréglementation généralisée dans le privé comme dans le public, l’appauvrissement des retraités et la stigmatisation des chômeurs  ». « Dans le privé, l’heure est à la démolition du code du travail, à la facilitation des licenciements. A coups de centaines de millions d’euros d’aides publiques, les multinationales massacrent l’emploi, dégradent les conditions de travail, délocalisent… Le dossier Ascoval/Vallourec en est l’exemple le plus criant  », souligne Dominique Ben, chargé des questions industrielles à la CGT Nord.

« Le président de la République a souhaité se rendre "dans les territoires qui furent meurtris par la guerre et qui aujourd’hui sont meurtris par la crise". Il aurait dû ajouter "meurtris par sa politique d’austérité renforcée"  », déclarait la section PCF de Maubeuge.

C’est que « les attentes sont nombreuses pour la Sambre-Avesnois  », résumait Bernard Baudoux, maire (PCF) d’Aulnoye-Aymeries quelques jours auparavant, sur France 3. « C’est une réalité. On a oublié ce territoire. On nous a pris nos trains, on a fermé nos usines. On demande pas la Lune. On demande à avoir notre place dans la République. On veut bien mouiller le maillot. Mais il ne faut pas nous laisser seuls  », poursuit-il.

« Il a écouté, mais que va-t-il en retenir ? »

Après avoir salué le soutien de l’Etat pour le nouveau commissariat de sa ville, l’élu communiste veut « laisser un message d’espérance aux gens, même à (ses) amis politiques qui manifestent : il faut prendre cette visite comme quelque chose de positif  ». Le 7 novembre au soir, Emmanuel Macron échangeait avec les élus locaux, au MusVerre de Sars-Poteries. « Tous les élus locaux ont parlé sans détour au président de la République », note Xavier Bertrand. « Il a écouté, mais que va-t-il en retenir ?  »