DOSSIER : PRÉCARITÉ DES ÉTUDIANTS

Étudier : un droit souvent contrarié

par Philippe Allienne
Publié le 22 novembre 2019 à 18:32

Comment un jeune homme de 22 ans, étudiant à l’université de Lyon-2, peut-il en venir à s’immoler par le feu ? Dans la lettre qu’il a laissée, Anas K. accuse le pouvoir (l’actuel gouvernement et les précédents) d’être responsable de sa précarité. En seconde année de licence, il avait perdu sa bourse à la suite d’échecs aux examens. Par cet acte ultime, il a aussi voulu dénoncer la précarité dans laquelle sont plongés de nombreux étudiants en France

5% des étudiants en situation précaire

Selon l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), 5 % des étudiants vivent dans la précarité, soit 125 000 sur 2,6 millions. Encore faut-il s’entendre sur le terme « précarité ». Si l’on se réfère à une enquête de l’Insee réalisée en 2016, 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec un revenu inférieur à 855 euros (si l’on se réfère à 50 % du revenu médian) ou, selon le mode de calcul du seuil, avec moins de 1 063 euros (60 % du revenu médian).

De plus en plus souvent, les étudiants ont donc recours à des emplois qui leur permettent, tant bien que mal, de ménager leur temps d’étude avec leur temps salarié. Le capitalisme de plateforme (comme les plateformes de livraison de repas) est devenu un moyen courant et une alternative au traditionnel babysitting. Mais pas que (lire Une proposition de loi pour améliorer le droit des livreurs à vélo et Anaïs Fley (UEC) : « Ce que nous demandons, c’est vivre ! »). Car même en vivant chichement, il faut manger, se vêtir, se loger, se transporter, se soigner et... payer les frais de scolarité et le matériel (livres, ordinateur, smartphone, etc.).

Armée d’un BTS Co mmunication décroché à Rouen, Laurine Romet débarque dans la métropole lilloise en septembre 2019. Quelques mois plus tôt, elle était certaine de continuer ses études à l’université publique. Elle avait choisi Infocom, le département de Lille-3 qui forme à la communication et à l’information. Désenchantement : son inscription est refusée au motif qu’elle n’a pas étudié dans la bonne filière. Le site internet de la fac affirme pourtant le contraire.

Laurine : une orientation non prévue vers le privé

Déterminée, Laurine se tourne vers l’Efap Lille Europe, un établissement privé qui affiche des droits de scolarité à 6 000 euros par an. Pour elle, cela fera donc 18 000 euros pour les trois années d’études auxquelles elle se prépare. La différence est rude par rapport aux droits universitaires. Mais surtout, elle perd ses droits boursiers. Sa sœur, qui étudie la chimie à Rouen voit sa bourse diminuer de 100 euros. « Nous avons toujours voulu épargner nos frais d’études à nos parents qui sont de condition modeste mais qui nous ont toujours soutenues » , souligne Laurine.

Aussitôt arrivée à Lille, elle se met en quête d’un logement. Le loyer est plus élevé qu’à Rouen, mais elle perçoit des APL. Elle trouve aussi un stage de quatre mois qui, même rémunéré modestement selon un barème minimum fixé par la loi (3,75 euros de l’heure effective), lui permet de s’en sortir.

« Je suis économe et, lorsque j’étudiais à Rouen, j’avais réussi à mettre une petite somme de côté pour parer aux imprévus comme, par exemple, une panne d’ordinateur. Je n’y touche pas. Pour mes dépenses courantes, j’ai un autre compte que je parviens à gérer. S’il tombe dans le rouge, je prendrai un petit boulot étudiant le week-end ».

Battante jusqu’au bout des ongles, elle affirme savoir se contenter de 600 euros par mois. Mais, au sein de sa promotion, nombreux sont ceux qui ont eu recours à un prêt étudiant compris entre 20 000 et 30 000 euros sur trois ans